mercredi, février 28, 2007
Une femme au milieu des requins
55. Claude Chabrol a réalisé 55 films. Le chiffre est déjà à lui seul impressionnant. Mais à regarder les perles qui se sont enfilées sur l’écheveau du maître (du Beau Serge à La cérémonie, en passant par Betty ou Violette Nozière), il en devient carrément vertigineux.
Evidemment certains réserveront à ce 55ème opus, L’ivresse du pouvoir, présenté au festival de Berlin 2006, le même œil circonspect que l’on jette parfois aux films de Woody Allen. C’est un Allen, ça reste dans le haut du panier, mais ce n’est pas son meilleur. C’est vrai, L’ivresse du pouvoir n’est pas le meilleur Chabrol. Mais le cantonner au statut d’œuvre mineure dans une cinématographie si foisonnante serait faire erreur. Car L’ivresse sait être douce à ceux qui savent l’apprivoiser.
« Toute ressemblance avec des personnes connues serait, comme on dit, fortuite » nous avertit malicieusement le film dès sa première image. En effet, l’air de ne pas y toucher mais avec une indéfectible roublardise, Chabrol s’attaque cette fois à du gros. Du très gros. L’affaire Elf, ou l’un des plus gros scandales de l’histoire politico-financière française. Mais Chabrol est rusé et c’est par le prisme d’un récit imaginaire, aux noms et aux situations « inventés » qu’il nous invite à toucher du bout du doigt ce véritable nœud de vipères. Détournements de fonds, abus de bien sociaux, comptes truqués, la farandole de malversations est échevelée et c’est avec une impertinence des plus bienvenues que le plus sympathique des cinéastes hexagonaux s’amuse à regarder derrière les lambris vernissés des jolis cabinets ou les lignes épurées des grands bureaux.
Au milieu du bourbier : Isabelle Huppert impériale, bien sûr, en juge d’instruction tiraillée entre son besoin de servir la justice, son ambition et ses soucis conjugaux. Comme toujours chez Chabrol, l’intime, le public, le social et le politique ne font qu’un dans une comédie humaine à la riche profondeur. Oh bien sûr, le sujet demandera peut-être à son spectateur une certaine connaissance des méandres de la politicaillerie judiciaire hexagonale. Bien sûr encore, on pourra regretter une certaine accumulation de personnages parfois caricaturaux. Mais, et c’est bien tout le sel du film, n’importe qui pourra bien se laisser prendre à cette réalisation fluide et lumineuse, à ces dialogues réellement bien fichus, à cette majesté jamais empesée d’une vision du monde absolument passionnante.
lundi, février 26, 2007
Le lundi, c'est ravioli
Bref, c'est maintenant le moment de mettre à profit ces heures d'inactivités pour se payer un petit retour sur les Oscars et surtout sur le gros ouf de soulagement qu’a enfin du pousser notre cher Martin Scorsese. En vrac, quelques observations plus ou moins pertinentes.
-Malgré la Scorsese-mania, le grand gagnant de la soirée a peut-être vraiment été Al Gore. Malheureusement, si on nous a dit que les oscars étaient devenus verst, on n’aura jamais su exactement comment.
-Peter O’Toole est un grand monsieur, il mérite tout notre respect, c’est évident, mais il ressemblait à The Mummy.
-L'hilarante petite chanson de Jack Blake, Will Ferrell et John C. Reilly a plus fait pour le cinéma de divertissement que toutes les jérémiades sur maiiiiiis, pourquoi ce film qui a tant plu aux braves gens n'a rien gagné, alors que le public c'est sacré, et gnagnagna et gnagnagni
-M. Gustavo Santaolalla a gagné l’oscar de la meilleure musique originale pour Babel. Avec un nom pareil, il aurait été injuste qu'il ne gagne rien.
-Daniel Craig a eu tout le long de sa présentaiton une face de tueur du KGB un peu ridicule
-L'ONF a gagné son 12ème oscar avec le court d'animation The Danish Poet de Torill Kove. Rien à dire, c'est impressionnant.
-Leonardo Di Caprio ne devrait pas mettre autant de gel. On dirait un gigolo et tout le monde voit bien qu’il commence à perdre ses cheveux
-Entre deux pubs, je suis tombée sur un moment de Tout le monde en parle qui annonçait la présence à venir de Paul Ahmarani avec cette catch phrase : « faire un discours de remerciements, c’est beaucoup trop de pression ». No comment.
-Alejandro González Iñárritu a l’air d’un poète maudit avec sa chevelure ondoyante et son écharpe au vent et Guillermo Del Toro d'un bon gros nounours dont on aurait envie qu'il vienne nous raconter des histoires chaque soir.
-Les remerciements mitraillettes de Scorsese ressemblaient à du Woody Allen. C’était drôle.
-Florian Henckel von Donnersmarck a laissé exploser une belle joie bien pure quand il a gagné l'oscar du meilleur film étranger. Et quand Thelma Schoonmaker a gagné son prix du meilleur montage, dans la salle, les plus beaux sourcils du cinéma américain se sont soulevés, puis on a bien vu les yeux de Martin Scorsese s'embuer. C’était beau, émouvant et sincère et c'est probablement pour ce genre de moments qu'on aime ces cérémonies.
Côté hexagonal maintenant avec les Césars: Lady Chatterley (toujours inédit ici, mais ça ne saurait tarder) a tout raflé! Une excellente nouvelle pour le cinéma qu'on dit "difficile", "pointu" ou je ne sais quel adjectif encore qui n'a pour seul mérite que de faire fuir les spectateurs à toute jambes.
Bref, tout ça pour dire que la réalisatrice en recevant l'un de ses 5 Césars, et non le moindre, celui de meilleur film, s'est fendue d'un discours pas piqué des vers. Voyez plutôt
"En assimilant les films à vocation artistique aux films pauvres et les films de divertissement aux films riches, en cloisonnant les deux catégories, en rendant quasi impossible pour un cinéaste d’aujourd’hui le passage d’une catégorie à une autre, le système actuel trahit l’héritage des plus grands cinéastes français. Et leur volonté acharnée de ne jamais dissocier création cinématographique, point de vue personnel et adresse au plus grand nombre. Ce faisant, il défait, maille après maille, le goût des spectateurs; alors même que, pendant des décennies, le public français était considéré comme le plus curieux, le plus exigeant, le plus cinéphile du monde.
Ici comme ailleurs, la violence économique commence par tirer vers le bas le goût du public puis cherche à nous opposer. Elle n’est pas loin d’y arriver.
Les deux systèmes de solidarité - entre les films eux-mêmes et entre ceux qui les font -, ces deux systèmes qui faisaient tenir ensemble le cinéma français sont au bord de la rupture.
Alors peut-être est-il temps de nous réveiller.
Peut-être est-il temps de nous dire que notre amour individuel pour le cinéma, aussi puissant soit-il, n’y suffira pas.
Peut-être est-il temps de se battre, très méthodiquement nous aussi, pour refonder des systèmes de solidarité mis à mal et restaurer les conditions de production et de distribution de films qui, tout en donnant à voir la complexité du monde, allient ambition artistique et plaisir du spectacle."
*PRIX PIERRE ET YOLANDE PERRAULT DU MEILLEUR ESPOIR DOCUMENTAIRE
Migration amoureuse, d'Annie Saint-Pierre
Mention spéciale à Irène au coeur de lion, de Josephine Mackay
*LE PRIX À LA CRÉATION ARTISTIQUE DU CONSEIL DES ARTS ET DES LETTRES DU QUÉBEC POUR LA MEILLEURE OUVRE D'ART ET D'EXPÉRIMENTATION
Actions (9), de Manon Labrecque et Martin Tétrault
*LE PRIX OFQJ / RENDEZ-VOUS POUR LA MEILLEURE OUVRE ÉTUDIANTE
A Troublesome Desire, d'Anna Sikorski
*LE PRIX ANNUEL DE LA FONDATION ALEX ET RUTH DWORKIN POUR LA PROMOTION DE LA TOLÉRANCE À TRAVERS LE CINÉMA
Notre Père, de Marie-Julie Dallaire
*PRIX DE L'ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DES CRITIQUES DE CINÉMA
Prix AQCC/ Meilleur court et moyen métrage de fiction
Terreur au 3918, de Mathieu Fontaine
Mention spéciale à Screen Test : Karen Elkin, de Mathieu Grondin
Prix AQCC/ Meilleur court et moyen métrage documentaire
Portrait de dame par un groupe, de Bashir Bensaddek
Mention spéciale à Caporal Mark, de Danic Champoux
Prix AQCC/ Meilleur long métrage québécois 2006
Congorama, de Philippe Falardeau
*LE PRIX DU PUBLIC COUP DE COUR SUPER ÉCRAN
Congorama, de Philippe Falardeau, et Le cèdre penché, de Rafaël Ouellet
Raf, la nombreuse et fourmillante équipe d'Arrête ton cinéma en a presque pleuré d'émotion et de fierté. Toutes nos félicitations!
jeudi, février 22, 2007
Plus mieux que The Police!
Tout comme le show de 'the police', la projection de LE CÈDRE PENCHÉ, réalisé par Rafaël Ouellet et projeté ce vendredi 23 février à la Cinémathèque dans le cadre des Rendez-Vous du Cinéma Québécois est SOLD OUT!!!!!!!!!
MAIS rien ne vous empêche de venir célébrer avec la joyeuse équipe du film au CAFÉ-BAR de la cinémathèque québecoise, juste à côté du gros party de 'BON COP BAD COP' dans le bistro
rendez-vous à 10pm...
en présence des artisans pour souligner: les premières de Le cèdre penché de Rafaël Ouellet
et Nos vies privées de Denis Côté
-au Café-bar de la Cinémathèque -
- entrée gratuite
Ceci est un message enregistré qu'on m'a gentiment demandé de vous transmettre.
mercredi, février 21, 2007
C'est bon de rire parfois
"The plot is beyond complicated, but it basically comes down to this: Omigod, 23! Omigod, 23!! Omigod, 23!!!"
L'humour est vraiment une grande qualité pour un critique.
lundi, février 19, 2007
Petite soirée aux Rendez-Vous
1) après le 5à7 consacré aux courts-métrages, et dans lequel Simon Lavoie, Maxime Giroux, Guy Édoin (lauréat depuis hier soir d'un Jutra), Nicolas Roy, Frédérick Pelletier et Félix Dufour-Laperrière se sont laissés aller à un peu de jasette, je me disais à quel point la réalisation me fascine. Les entendre parler me faisait l'effet d'être une gamine devant des magiciens. Je ne veux pas connaître tous les secrets, mais une chose est certaine, réaliser un film m'apparaît de plus en plus comme une affaire complètement subjuguante.
2). Après le 7à9 consacré aux lancements de 2 DVD dont celui accompagnant le dernier numéro de 24 Images (abonnez-vous et vous saurez de quoi je parle), et après avoir papillonné d'un ami à l'autre, j'en suis arrivée à cette conclusion: le milieu est peut-être petit, peut-être pauvre, mais quelle belle planète où poser ses pénates.
samedi, février 17, 2007
Le tragique destin de Ryan Larkin
Il avait 19 ans lorsqu'il rejoignit les rangs de l'ONF en 1963 et 25 quand il reçut une nomination aux oscars pour son court d'animation Walking. C'est un certain Walt Disney qui lui ravit la statuette, mais Ryan Larkin s'installa pour 14 ans à l'ONF où il ne cessa de perfectionner son art, comme dans son chef d'oeuvre Street Musique.
Mais l'inspiration est une traîtresse et Ryan Larkin, en panne sèche, commença à panser les plaies de sa créativité blessée à l'alcool et à la coke. La rue lui fit de l'oeil. Il s'y installa, mendiant quelques sous et quelques sourires sur le boulevard St-Laurent.
En 2004, l'Ex-Centris le rappelait pourtant à nos souvenirs en lui consacrant une rétrospective tandis qu'un autre cinéaste, Chris Landreth, le faisait revivre le temps d'un magnifique court, Ryan, qui lui, gagna un oscar bien mérité l'année suivante.
On croyait Larkin revenu, lui à qui MTV Canada avait demandé 3 courts moments animés pour colorer son image et qui préparait un film sur son expérience de sans-abri. Le projet s'appelait Spare Change
Hier, Ryan Larkin, 63 ans, est mort d'un cancer.
vendredi, février 16, 2007
Dégueulasse!
Dégueulasse donc. Mais pourquoi diable si le poli M. Frodon sort ainsi son vocable de poissonier du dimanche? Et bien, c'est que tout simplement le brave homme n'en peut plus de la sempiternelle distinction entre l'art et le cochon, entre les vélléités créatrices et la vente de produits. L'objet de son courroux: l'appelation "films de festivals" qui traîne désormais dans les circuits de financement du cinéma français servant d'atroce excuse à ceux qui n'ont d'autres ambitions que celle de faire tourner la machine à dollars.
Extrait:
"Cette expression, « films de festival » est fausse, elle est injuste, elle est dégueulasse. Elle tend à marginaliser, et finalement à détruire les films - et aussi les festivals. Elle est insultante pour ceux qui font ces festivals et qui y assistent,comme pour ceux qui font ces films ou qui tentent d’aider à leur circulation. Ces gens là, voyez vous, ne seraient pas « des vrais gens », des êtres humains comme les autres, mais une espèce de caste un peu malade, qui pervertirait le « vrai cinéma » (en français facile : les films du marché). C’est l’idéologie rance de la France d’en bas, naturel allié de l’ultralibéralisme, celle qui veut aujourd’hui éradiquer de la vie du cinéma par exemple Pedro Costa, toujours interdit d’accès aux grands écrans, et qui aurait, dans la même logique, assassiné naguère sans état d’âme les oeuvres de Jean Vigo ou Luis Buñuel."
la suite
mercredi, février 14, 2007
On peut bien croire que tout va bien...
Dans Le Monde, 4 réalisateurs (Benoît Jacquot, Nicolas Klotz, Tony Gatlif et Bertrand Bonello) s'interrogent sur le sort du cinéma d'auteur et ça n'est pas beau à lire.
B. Bonello:
"La cinéphilie a changé. On ne trouve plus aujourd'hui ce rassemblement permanent qui permettait, voilà encore quinze ans, à un certain type de cinéma de vivre. Le public est plus éclaté que jamais et les décideurs réagissent par une grande incertitude. Les producteurs ne font plus les films qu'ils veulent faire, mais les films qu'ils peuvent faire. Cela déclenche chez les auteurs une autocensure plus ou moins consciente qui rend leurs films moins intéressants. C'est un cercle vicieux entretenu par la peur. Il faut être plus inventif, cesser de quémander son argent auprès des mêmes comptoirs, qui préféreront toujours jouer la sécurité, abandonner la résistance à l'ancienne et trouver d'autres sources de financement, y compris dans le privé, comme le font les indépendants américains. "
Tiens, parlant de cinéma d'auteur, deux nouvelles:
- Bon cop, bad cop a gagné hier le soir le Génie du meilleur film canadien 2006. On en ricanera encore en 2022
- Deux films à surveiller aux Rendez-Vous du Cinéma Québécois
Nos vies privées, du bulgarophile Denis Côté:
Tourné majoritairement en bulgare avec des acteurs venus de Sofia (les intenses et convaincants Anastassia Liutova et Penko S. Gospodinov), l'histoire propose la rencontre d'un photographe de Sofia et d'une jeune immigrante bulgare installée au Québec depuis une décennie. Après avoir flirté longuement sur internet, le couple décide de vaincre la distance et consommer le fruit de leur curiosité dans un chalet de campagne. Jusqu'à ce que des événements étranges viennent fragiliser et mettre en danger leur idylle et leur complicité...
JEUDI 15 FÉVRIER, 21H15, CINÉMATHÈQUE QUÉBÉCOISE
Le cèdre penché, du musicophile Rafaël Ouellet:
À la suite de la mort de leur mère, les sœurs Provencher reviennent vivre temporairement dans la demeure familiale. Pendant que Brigitte revisite son passé et cherche en elle les larmes pour vivre son deuil, Candide se replie sur elle-même et n'arrive pas à trouver l'inspiration nécessaire à la composition des chansons de son premier album. Chacune dans leur monde, les sœurs peinent à se rejoindre. C'est avec deux guitares, leur musique et les chansons de leur mère, chanteuse country, qu'elles apprendront à s'apprivoiser et qu'elles réussiront à retrouver le lien qui les unit depuis toujours.
23 FÉVRIER, 19H45, CINÉMATHÈQUE QUÉBÉCOISE.
dimanche, février 11, 2007
Et le Jutra de la phrase la plus méprisante va à....
Patrick Roy! Le président d'Alliance Atlantis Vivafilm s'est en effet fendu d'une petite phrase absolument magique, en commentant l'exposition qu'organisent les Rendez-Vous du Cinéma Québécois sur les affiches refusées:
"Il ne faut pas oublier que les gens vont au cinéma pour voir des vedettes.", La Presse.
Merci à Raf d'avoir déniché cette petite perle de cynisme.
jeudi, février 08, 2007
La vie des autres
Voir un cinéaste se frotter à l’Histoire, c’est (presque) toujours beau. Parce que l’Histoire s’est souvent transformée en mythe et que le cinéma aime les mythes, ses oppositions simples et parfois binaires, ses capacités à nous faire avaler le pire. Certains cinéastes se vautrent alors dans ces mythes pour mieux en user les ficelles. D’autres s’y confrontent parce qu’ils aiment la bataille. D’autres encore préfèrent observer, de loin, comme s’ils voulaient nous montrer les grandes lignes d’un livre d’histoire.
Florian Henckel von Donnersmarck a 34 ans et vient de signer son premier film : La vie des autres, gagnant de multiple prix, lauréat au futur oscar du meilleur film étranger. Le bon élève a gagné ses premiers bons points.
Car si le cinéaste s’inscrit dans un certain renouveau du cinéma allemand contemporain apprivoisant petit à petit son lourd passé en tâchant de mettre des images sur ses fantômes (de Goodbye Lénine à Sophie Scholl, en passant par cette plus insignifiante Chute), il le fait avec un classicisme qui étonne pour un premier film, celui – en principe, où toutes les audaces sont encore permises.
Classicisme de la mise en scène d’abord : grandiose quand il le faut, maîtrisée, solide, précise, froide sans être impersonnelle, appliquant à la lettre les préceptes d’une sorte de "Tu seras réalisateur mon fils". Oui, on est impressionnés. Mais celà n'empêche pas l’ennui de guetter, parfois, heureusement balayé par les interprétations de 3 acteurs d’une intensité sobre et juste, absolument remarquable (Martina Gedeck, Sebastian Koch et surtout l’impeccable Erich Mühe, déjà vu dans Funny Games d’Haneke)
Classicisme du regard aussi. Henckel von Donnersmarck, il faut le dire, ne s’attaquait pas au facile : la vie en Allemagne de l’Est en 1984, sous le joug d’un totalitarisme communiste auquel veillait scrupuleusement la Stasi, police politique du régime. Une petite histoire pour raconter la grande : une belle actrice, Christa-Maria Sieland vit avec un séduisant dramaturge, Dreymann. Un ministre rougeaud tombe amoureux d’elle et charge son meilleur policier, Wiesler, de placer l’appartement du couple sous écoute pour dénicher de quoi exercer un odieux chantage. Mais la mécanique déraille et notre bon Wiesler découvre tranquillement un monde fait d’amour, de musique et de discussions brillantes. Un monde dont il sent confusément l’attrait mais que son sens du devoir lui interdit d’embrasser.
Dilemme. Politique, moral, social. Henckel von Donnersmarck a pourtant le bon goût de ne pas nous faire le coup des Grandes Émotions, du pathos facile et grandiloquent. Grand bien lui en prend. Mais quelque chose bloque dans cette Vie des Autres. Quelque chose comme un cinéaste refusant obstinément de pénétrer son sujet. Comme si, par respect, il persistait à se tenir au seuil de l’Histoire. Comme si tout le film s’échignait à nous rappeler que nous sommes devant une œuvre sérieuse parlant avec sérieux d’un sujet sérieux. D’où ce sentiment étrange que l’on assiste là, non pas à un film de cinéma (dont il avait néanmoins les qualités), mais à une grande œuvre chargée de refaire un pays, de réconcilier des âmes. C’est lui mettre beaucoup sur les épaules. Le film ne s’en remet pas tout à fait.
mardi, février 06, 2007
À tout Coeurs
Comme me le faisait remarquer un de mes plus gentils lecteurs, je ne vous avais même pas entretenu de ce drôle de film qu'est Coeurs récompensé par le lion d’argent de la meilleure réalisation, lors de la 63e Mostra de Venise.
Drôle parce que l'on en ressort charmés, évidemment, par l'élégance d'un metteur en scène de 84 ans, inventant sans cesse de nouvelles façons de faire du cinéma. Le génie formel de Resnais n'est plus à prouver et cette fois, ce sera par l'harmonie simple et délicate d'un fondu à la neige (déjà en germe dans L'amour à mort en 83) que le cinéaste ne cesse de faire pleuvoir sur le 13ème arrondissement parisien qu'il nous attrape dans ses filets minutieux.
Charmés aussi par une bande de comédiens au plaisir palpable, se croisant et se décroisant au rythme de 57 saynètes aigres-douces (les habitués Sabine Azéma, André Dussollier, Pierre Arditi, Lambert Wilson et Claude Rich, mais aussi les petites nouvelles Isabelle Carré et Laura Morante se fondant dans l'univers du maître avec la grâce des débutantes).
Charmés enfin par l'exquise intelligence et la vivacité irrésistible des dialogues tirés de la pièce du britannique Alan Ayckbourn, déjà adapté par Resnais dans Smoking, No Smoking.
Mais drôle de film également parce que Coeurs vous rentre sous la peau pour finalement exercer son véritable destin: celui de film-poison. Doucement, il s'insinue en nous, distillant une mélancolie imparable, une tristesse touchante. Car dans le fond, de quoi nous parle-t-on? De solitude, de rapprochements impossibles, de maladresses, de petites névroses quotidiennes, de ces masques que nous portons tous, pensant qu'ils nous aideront à ne pas nous blesser sur les affreux angles de la vérité. Mais Resnais n'est pas cinéaste à se complaire. L'on rira dans Coeurs. Jaune, peut-être, mais l'on rira. Et puis, petit à petit, on pleurera. La neige prendra alors tout son sens. Oh bien sûr, le film prendra son temps pour mieux venir nous toucher au coeur. Mais n'est-ce pas là le signe des grandes oeuvres de savoir prendre leur temps pour se faire une niche au creux de nos souvenirs?
Moi aussi, veut n'en gagner des millions
Drôle de bestiole que ce concours, à débuter demain sur le site My Space Movie MashUp et dans lequel, après avoir posté votre court-métrage et que celui-ci ait été choisi par un jury composé entres autres par Sienna Miller, Anthony Minghella et Andrew MacDonald – producteur de Trainspotting (cherchez l’erreur), vous pourriez gagner la chance de vous voir offrir un million de livres pour réaliser un long-métrage. Enfin, je dis vous, mais j’exagère un peu (et c’est pour ça que vous m’aimez, je le sais) puisque le concours n’est ouvert qu’aux résidents britanniques.
Drôle de bestiole, disais-je donc. A première vue, l’idée fomentée par les producteurs de Vertigo Films et de Film4 est belle, généreuse, pleine de fleurs et de sourire. Sauf que (la vie serait si triste sans sauf que)…le concours permettra également aux utilisateurs du site, une fois le gagnant choisi, de donner leurs avis sur le titre, les dialogues, le scénario du projet. On se rappelle ce que ça avait donné avec Snakes on a Plane. Et mine de rien, c’est peut-être aussi l’intégrité de la vison du brave gagnant qui risque d’en prendre un coup.
Autre sauf que…Sauf que, ici encore, le court-métrage n’apparaît que comme une carte de visite pour passer au long. Il y a quelques semaines, Les Inrockuptibles affichaient sur leur une ce drôle de titre : court-métrage : tremplin ou impasse? Difficile en effet, malgré toutes les bonnes volontés du monde, de considérer le court comme un genre en soi. Il doit mener à quelque chose, ouvrir une porte. Bizarre quand même: lorsqu'un romancier écrit une nouvelle, personne ne lui casse les pieds en lui disant, et le vrai roman, c'est pour quand?
Ce n'est pas le moment d'un grand plaidoyer pour le court, mais quand je vois l'incroyable pépinière de talent au Québec dans ce domaine (vous en voulez des noms, en vlà: Roy, Edoin, Lavoie, Fortin, Giroux...), je me dis que ça mériterait bien qu'on s'y arrête vraiment, dans des salles de cinéma. Et pas parce que tous ces regards portent en eux les graines de grands réalisateurs de demain, gnagnagna. Mais bien parce qu'ils sont déjà les grands cinéastes d'aujourd'hui. Ce serait trop bête de les laisser passer.
dimanche, février 04, 2007
Les américains ont leurs Razzies, les français leurs Gérards
Les nominations sont tombées aujourd'hui (remise des prix le 22 février) et certaines catégories sont irrésistibles. Et si le quart de la moitié de ces films ne sont pas arrivés jusque nous, ça semble très bien comme ça
*Plus mauvais film avec Clovis Cornillac
Les Brigades du Tigre
PolterGay
Le Serpent
Nos Voisins les hommes (doublage)
Happy feet (doublage)
*Plus mauvais film dont personne n’a entendu parler
Le Concile de Pierre (mais oui, de Guillaume Nicloux, avec Monica Bellucci !)
Les Aiguilles Rouges (mais oui, de Jean-Francois Davy, avec Jules Sitruk !)
On va s’aimer (mais oui, de Ivan Calbérac, avec Alexandra Lamy !)
La Jungle (mais oui, de Mathieu Delaporte, avec Patrick Mille !)
*Plus mauvais membre de la famille Depardieu
Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur
Guillaume Depardieu dans Célibataires
Julie Depardieu dans Poltergay
Elisabeth Depardieu dans Rien cette année
Carole Bouquet dans Un Ami parfait
*Plus mauvaise réplique
"Ah ben ça alors !" : Audrey Tautou apprenant qu’elle est la descendante de Jésus dans The Da Vinci code
"J’ai fait un rêve avec toi cette nuit : on a fait l’amour et tu m’as dit merci." : Frank Dubosc dans Camping
"Mais c’est pas possible, il faut que ça s’arrête les catastrophes, hein !" : Thierry Lhermitte dans Les Bronzés 3 amis pour la vie
"C’est bien, l’amour." : Richard Borhinger dans C’Est beau une ville la nuit
*Pire compromission alimentaire
Thierry Lhermitte dans Incontrôlable
Claude Brasseur dans Camping
Gérard Lanvin dans Camping
Alexandre Astier dans Comme t’y es belle
Jean-Pierre Marielle dans The Da Vinci code
*Pire massacre d’une oeuvre originale
Le Grand Meaulnes
Piccolo et Saxo
Les Brigades du Tigre
Asterix et les Vikings
Ô Jérusalem
Arthur et les Minimoys (que chacun sait que Besson n’a pas écrit, mais bien massacré)
*Plus mauvais film à sortir en 2007 dont on suppose ou souhaite qu’il ne "rencontrera pas son public"
Taxi 4
Gomez et Tavares, la suite
Fracassés
Nos Amis les Terriens (de… Bernard Werber !)
Trivial (de… Sophie Marceau ! avec… Christophe Lambert !)
*Plus mauvaise actrice n’ayant pas encore couché, euh, tourné avec Luc Besson
Aure Atika dans Comme t’y es Belle
Olivia Bonamy dans Célibataires
Cécile de France dans Mauvaise foi
Monica Bellucci dans Napoléon et moi
Audrey Tautou dans Hors de prix
Romane Bohringer dans C’Est beau une ville la nuit
*Plus mauvaise actrice qui bénéficie le mieux des réseaux de son mari
Arielle Dombasle dans Nouvelle chance
*Plus mauvais acteur qui veut absolument devenir chanteur
Sandrine Kiberlain, Manquait plus qu’ça
Agnès Jaoui, Canta
Jane Birkin, Fictions
Victoria Abril, Pucheros do Brazil
Gérard Darmon, Dancing
Jeanne Balibar, Slalom dame
Mimi Mathy, La vie m’a raconté
Et par ici, qu'est-ce que ça pourrait donner?
Pire service après-vente d'un film?
Patrice Sauvé et Patrice Robitaille, Cheech
Lucie Laurier, Bon cop, bad cop.
Yves Desgagnés, Roméo et Juliette
Pire tentative de faire comme les américains et même pas réussir?
Bon cop, bad cop
Un dimanche à Kigali
Pire film de 2007 dont on sait déjà qu'il servira aux journalistes comme motif à évoquer une crise du cinéma québécois
Ma fille, mon ange