jeudi, novembre 30, 2006

 

Ainsi font, font, font

Comme il faut bien varier les plaisirs, hier, j'ai fait un petit tour au théâtre pour plonger dans l'univers du Loup Bleu, directeur artistique du Théâtre du Sous-Marin Jaune.
J'avais, il y a quelques années, vu leur version de La Bible et en était ressortie enchantée. Cete fois, c'est au Discours de la Méthode de pépé René qu'ils s'attaquent et je défie quiconque de ne pas penser que cette trop courte heure et demi n'est pas un pur bonheur!

Des marionnettes, de l'intelligence à chaque minute, un humour d'une finesse remarquable, une mise en scène en quelques boîtes de cartons d'une ingéniosité totale. Seul souci, comme dans la chanson, ils font vraiment trois petits tours et puis s'en vont...Jusqu'à la prochaine fois.

Il reste quelques supplémentaires les 12, 13 et 14 décembre au Théâtre d'Aujourd'hui.

Je vous quitte avec la note d'intention de M. Loup, marionnette-narratrice mordante de son état et seul grand méchant loup auquel je vous recommande fortement de ne pas prendre garde:
Frères humains bonsoir,
J’ai tâché d’appliquer au Discours sa propre méthode :
1. N’accepter comme vrai que ce qui est clair, distinct, indubitable. Ce fut l’étape la plus difficile car Descartes a beau prétendre à la clarté, le lire et le saisir clairement n’est pas toujours facile, car il est plein de méandres et de contradictions. Bref, j’ai essayé de mettre dans le spectacle ce que je croyais avoir saisi clairement et distinctement, ce qui est bien peu en regard de tout ce qui m’échappe. Que voulez-vous, je suis une marionnette, il y a des sensations qui me sont étrangères…
2. Séparer les difficultés en plus petites parties. J’ai découpé le spectacle en six parties qui correspondent aux six parties du Discours, plus une introduction en deux tableaux et une conclusion. La mise en boîte scénographique est aussi une allégorie géométrique et symbolique autour du chiffre 6. Le chiffre 6 est donc à l’honneur ce soir. Misez sur le 6. Le jeu est fait, rien ne va plus.
3. Commencer par les choses les plus simples en allant vers les plus compliquées. C’est une habitude au théâtre, ça. Non?
4. Faire des bilans sans rien omettre, c’est-à-dire réviser ma matière. Là j’avoue que c’est plus difficile, parce que les études cartésiennes sont si vastes qu’un recensement un tant soit peu complet prendrait toute une vie. Je révise toutefois un peu chaque jour, ici un détail sur Galilée, là un ajout sur la guerre de Trente Ans ou un détail sur l’usage du tabac dans la Hollande du XVIIe siècle. Je remplace peu à peu chaque réplique du texte alors si vous revenez voir le spectacle dans un an, ce ne sera plus du tout le même ! Toutefois, il se peut faire que je me trompe, et ce n’est peut-être qu’un peu de cuivre et de verre que je prends pour de l’or et des diamants… On s’attache au personnage, aux textes, puis un jour on est déçu : ce n’était que ça, Descartes ? Et à ce nouvel homme, dépiédestalisé, on s’attache à nouveau, parce qu’il nous ressemble. Enfin, pas à moi, qui suis un loup, mais à vous, frères humains.
Loup Bleu

Des questions?

mardi, novembre 28, 2006

 

Geek un jour, geek toujours

Un documentaire sur les geeks, joliement appelé Suck my Geek s'apprête à voir le jour en France. Pour s'aider dans leur démarche, les deux réalisateurs, Xavier Sayanoff et Tristan Schulmann, ont lancé un site web ainsi qu'une bande-annonce annonçant grosso modo l'angle sous lequel sera tourné la chose.

A voir, parce que je sais qu'entendre des Français dire spiiiiider-man, ça vous fait bien rire.
Et aussi, parce que moi, j'aime bien les geeks.

 

Petit traité de l'insulte

Trouvé sur le blogue de Steve Proulx, un texte de 1998, sorti des tiroirs du Voir et recensant quelques insultes assez croquignolettes
Extraits choisis et inspirants.

Insultes pas piquées des vers proférées par des personnalités célèbres.

«Je suis content d'avoir cessé de consommer des drogues. Ce serait horrible de ressembler à Keith Richards. Il est pathétique. On dirait un singe avec de l'arthrite, qui essaie d'avoir l'air jeune. Les Stones auraient dû se débarrasser de Keith il y a quinze ans.»
- Elton John, à propos de Keith Richards

«Si j'étais votre femme, je mettrais du poison dans votre café.»
- Lady Astor à Winston Churchill

«Si j'étais votre mari, je le boirais.»
- Winston Churchill à Lady Astor

«Arnold Schwarzenegger ressemble à un condom rempli de noix.»
- Clive James

«Il ne pourrait même pas improviser un pet après un repas de bines.»
- Johnny Carson, à propos de Chevy Chase

«Il ressemble à un bouledogue en caoutchouc à moitié fondu.»
- John Simon, à propos de Walter Matthau

«On dirait un taxi avec les deux portes ouvertes.»
- Howard Hughes, à propos de Clark Gable

«Mon frère a un esprit tellement ouvert qu'on entend le vent siffler.»
- Groucho Marx, à propos de Chico Marx

«On dirait un nain qui a été saucé dans un bocal rempli de poils pubiens.»
- Boy George, à propos de Prince

«La politique étrangère de Bill Clinton se limite à déjeuner chez International House of Pancakes.»
- Pat Buchanan

«Il est tellement idiot qu'il ne peut pas péter et mâcher de la gomme en même temps.»
- Lyndon Johnson, à propos de Gerald Ford

«Enfin, le Canada a un politicien qui mérite d'être assassiné!»
- Irving Layton, à propos de Pierre Elliott Trudeau

«Le plus petit de mes pets contient plus de talent que votre corps tout entier.»
- Walter Matthau, à Barbra Streisand

«Elle est capable d'exprimer toute la gamme des émotions, de A à B.»
- Dorothy Parker, à propos de Katharine Hepburn

«On dirait un aspirateur avec des mamelons.»
- Otto Preminger, à propos de Marilyn Monroe

«Elle est tellement grosse qu'elle met de la mayonnaise sur ses aspirines.»
- Joan Rivers, à propos d'Elizabeth Taylor

«J'ai toujours su que Frank se retrouverait au lit avec un garçon.»
- Ava Gardner, à propos du mariage de Frank Sinatra avec Mia Farrow

Parfois, mettre la switch à bitch, comme ça, gratuitement mais avec esprit, y'a pas à dire, ça soulage.

jeudi, novembre 23, 2006

 

Non, c'est pas vrai

On croirait un mauvais rêve....et pourtant.

Philippe Noiret vient de s'éteindre à 76 ans.

Le grand, l'immense comédien, le cabotin, le tragédien, la troisième patte du beau trio Marielle-Rochefort-Noiret. Et maintenant, c'est nous aussi qui nous retrouvons bancals.

Pour mémoire, dans le désordre: Le vieux fusil, Alexandre le Bienheureux (dont l'affiche trône fièrement dans mon bureau), Les palmes de M. Schultz, Max et Jérémie, Cinéma Paradiso, Coup de torchon, Zazie dans le métro, L'horloger de St-Paul.....

Encore un qu'on croyait immortel et qui nous fait le sale coup de nous laisser tout seuls.

mardi, novembre 21, 2006

 

Le choc


Il avait dit: "Filmmaking is a chance to live many lifetimes".

Toutes ces vies vécues sur pellicule furent belles, intelligentes, drôles, ironiques, vives, douces, pertinentes. Désormais, elles seront les seules à encore exister.


Je n'ai pas vraiment de mots pour dire à quel point je suis triste, mais je viens d'apprendre que Robert Altman était mort.
M.A.S.H, The Long Goodbye, Nashville, The Player, Short Cuts, Gosford Park pour ne citer qu'eux et c'est un gros morceau de ma cinéphilie qui vient de me dire bye-bye à jamais....

 

Ca vous gratouille ou ça vous chatouille?

A lire aujourd'hui sur Cyberpresse: une discussion entre le journaliste Marc Cassivi et l'auteur Dany Laferrière. A propos de quoi? Mais oui, évidemment, les méchants loups que sont les critiques.

Pertinente et intelligente (évidemment, M. Laferrière n'étant tout de même pas le dernier des bozos lorsqu'il s'agit de développer des idées), malgré l'absence d'exemples concrets, la conversation se finit pourtant sur ces drôles de mots:
"Finalement, le critique est un être extrêmement malheureux, parce qu’il est le seul à ne pas savoir ce qu’on pense de lui"

Hum....je n'en serai pas si sûre. Le critique, à moins qu'il soit parfaitement insignifiant (et ça existe), partage avec ses lecteurs. Il échange. D'autant plus en ces temps de bloguisme aïgu où les commentaires et pensées des lecteurs n'ont plus de secrets pour lui.
Et puis être aimé ou non, quelle importance? Je sais que vous aimez ma naïveté et c'est pour ça que je me permettrai de dire ceci: la gloriole personnelle du critique ne compte pas, son seul but doit être de parvenir à éveiller la curiosité de son lecteur.
Car une chose me paraît malgré tout relativement sûre: critiques, cinéastes et lecteurs sont (ou plutôt devraient être) dans le même bâteau: celui du cinéma. En réalité, que fait un critique, au fil de ses textes, si ce n'est défendre son idéal de cinéma? Et que fait un cinéaste en construisant son oeuvre sinon défendre son propre idéal? Et que fait le lecteur en choisissant son critique et son film si ce n'est exactement la même chose?
Les divisions qu'on tente d'instaurer entre différents groupes (et je ne parle pas ici du texte cité plus haut), en ces heures franchement peu rigolotes pour le cinéma, commencent à sérieusement me courir sur le pompon.

samedi, novembre 18, 2006

 

Little Children

Madame Bovary, c’est elle.
La belle et lisse banlieue s’en prend encore une fois plein les dents. Et on aime ça.


Son premier film, In The Bedroom, était troublant mais mineur. Son second, Little Children, est tout simplement brillant et vient de faire passer, d’un coup, l’ancien acteur devenu réalisateur Todd Field, dans les ligues majeures.

Adapté d’un roman de Tom Peretta (déjà auteur d’Election, adapté, lui, par Alexander Payne, un des autres joyeux lurons du cinéma américain), Little Children est en effet de ces films rares, qui surgissent parfois, pour mieux déboussoler nos habitudes.

Film sur le jugement, mais sans jugement, l'oeuvre s’attaque alors, à mi-chemin entre satire grinçante et observation mélancolique des rêves envolés, à cette bonne vieille banlieue. Celle dans laquelle les uniformes mentaux sont légion. Celle qui aplanit l’existence. Celle où l’on ne se sent plus vivre. Jusqu’à ce que.

Jusqu’à ce qu’une Mme Bovary moderne (absolument parfaite Kate Winslet) s’amourache d’un fringant beau blond marié et papa à temps plein (crédible Patrick Wilson). Et débute alors l’adultère le plus sensuel que nos écrans aient abrité ces dernières années. Un maillot de bain rouge, une laveuse, de la chair et voilà qu’enfin, le cinéma américain semble perdre de cette bête pudeur qui l’empêche de savoir filmer le sexe.

Mais s’il ne s’en fallait que de ça, Little Children resterait probablement dans la cour d’école. Non. Sa banlieue est également secouée par le retour d’un pédophile sortant de prison et revenant vivre chez maman. Un retour qui laisse éclater au grand jour les pires instincts des beaux voisins. Un retour qui permet aussi à Todd Field de signer, grâce à une voiture et à un acteur intense au physique en lame de couteau (Jackie Earle Haley) une des scènes les plus profondément dérangeantes récemment vues.

À travers cette chorale de personnages complexes et ambigus, et d’autres grands enfants s’ébrouant avec eux (une voisine, notamment, hilarante de bêtise), Field secoue alors le cocotier de la middle class et de ses a priori dangereux pour nous tendre le plus méchant des miroirs. Frustrations, peurs, rancunes, préjugés (le meilleur : la maternité vous rendra pleine et entière, mesdames) explosent ainsi au grand jour dans une mise en scène digne du plus grand sitcom, aussi sucrée qu’ensoleillée, aussi en contrepoint que le jour et la nuit, aussi intelligente que maîtrisée. Les dents grincent, mais l’on en ressort juste assez mal à l’aise pour ne plus voir la vie tout à fait comme avant. Et quand le cinéma fait ça, on applaudit.

vendredi, novembre 17, 2006

 

Est-ce que c'est ça le futur?

Vous le savez tous, mais les branches chuchotent fort ces temps-ci: le cinéma va mal, le cinéma tel qu'on le connaît n'existera plus d'ici 50 ans, les salles de cinéma se vident aussi vite qu'un poste de Secrétaire de la Défense après une élection de mi-mandat ratée.
Mais une fois passée une légitime petite déprime, que faire? Y'a-t-il même des solutions?
Un critique de film britannique, Matt Hanson, s'il ne répond pas à la question, tente au moins une solution: créer un film entièrement collectif sur le web. Intitulé A Swarm of Angels, le projet vise à réunir toutes les âmes de bonne volonté (50 ooo minimum), chacune s'inscrivant pour la modique somme de 25 livres et chacune pouvant ainsi participer à la conception de la chose. Le film sera ensuite librement distribué via téléchargement sur le web.

Fausse bonne idée? Je suis peut-être extrêmement nostalgique, mais l'idée d'un cinéma aussi virtuel me fait un peu peur. Et le plaisir de voir un film en salles, alors? Et l'impression, même fausse, d'appartenir à une communauté avec laquelle on partage quelque chose pendant deux heures? Et bien sûr, la grande inconnue: dans un projet comme celui-là, que peut bien devenir la notion d'auteur. Voudrait pas être mauvaise ou protectionniste, mais la dernière fois que des internautes se sont mêlés de donner leur avis sur un film, ça a quand même donné le navet confit qu'est Snakes on A Plane....

mardi, novembre 14, 2006

 

Pollue-moi ça

Ne nous mentons pas, en matière d'écologie, la tendance générale est plutôt à l'autruchisme (cette drôle de façon qu'on a de se mettre la tête dans le sable et de faire semblant de ne pas écouter). Et pourtant, les faits s'accumulent. Comme ceux tirés de cette étude publiée hier:

Dirty movies: why Hollywood is a polluter
Special effects explosions and idling vehicles are among the reasons for Hollywood's newly-discovered role as an air polluter, a university study published today said.
University of California research revealed the film and TV industry makes a larger contribution to air pollution in the Los Angeles region than almost all the five other sectors studied. The industry creates more pollution than either aerospace manufacturing or hotels, the study found, with only petroleum manufacturing giving off more emissions.


la suite ici

Sincèrement, je dois dire que je n'y avais jamais pensé. Allez les gars, vous êtes capables d'envoyer des hommes dans l'espace. Alors, à quand des effets spéciaux écolos?

samedi, novembre 11, 2006

 
David réinvente le marketing!

Et voilà, pour soutenir la candidature de sa Laura Dern dans Inland Empire aux prochains oscars, l'ami Lynch n'a rien trouvé de mieux que de s'asseoir au coin de Hollywood Boulevard, auprès d'un panneau géant de l'actrice.....et d'une vache.
Ok, je n'ai pas vu le film, mais comme ça, vite, vite, la vache ne m'apparaît pas comme le symbole le plus flatteur qui soit.

vendredi, novembre 10, 2006

 

It's only show business

On parle beaucoup de politique-spectacle, mais visiblement, nous sommes désormais passés à un autre niveau....

Colombia's largest rebel group is calling on the actor Denzel Washington and the film-makers Oliver Stone and Michael Moore to help it reach a deal with the US government on exchanging imprisoned guerrillas for rebel-held hostages, including three US citizens.
The Revolutionary Armed Forces of Colombia, better known as Farc, issued a letter made public yesterday asking the celebrities to advocate the swap to the American people. Raúl Reyes, a Farc spokesman, said: "To the people of the United States, we ask for your always generous solidarity to pressure President Bush and his government to support a prisoner exchange in Colombia."

La suite de l'article ici

mercredi, novembre 08, 2006

 

Quizzorama

Un questionnaire pour faire passer un tantinet plus vite les longues heures de novembre. Trouvé sur le blogue d'une Cinefille

1. Popcorn ou bonbons?
En cas de grande fatigue mentale, il m'est déjà arrivé de me laisser aller aux deux. Mais la plupart du temps, beurk et double beurk

2. Nommez un film que vous avez toujours voulu voir?
Bring Me the Head of Alfredo Garcia, du bon vieux Peckinpah, entre autres! J'en entends tellement parler, faudrait bien que je m'y mette!

3. On vous donne le pouvoir de redonner un oscar: qui le perd et pour qui?
L'an dernier, la mignonne Whiterspoon le perd et il va à Felicity Huffman. Et je ne sais pas qui le perdrait, mais il faudra bien que Scorsese en gagne un, à un moment, non?

4. Piquez un costume de films pour votre garde-robe. Lequel?
Un classique: le bikini doré de Leïa, mais aussi les costumes de Jane Russell dans Gentlemen Prefer Blondes.

5. Votre franchise de films préférée?
Les Alien, je pense.

6. Invitez cinq personnes du milieu cinéma à souper. Qui? Pourquoi et que leur donneriez-vous à manger?
Billy Wilder, George Clooney, Bergman, Scorsese et les frangins Coen. Pourquoi? Ca me semble évident! On mangerait quoi? Une raclette!

7. Quelle serait la meilleure punition pour ceux qui répondent à leur cellulaire dans les salles de ciné?
Leur faire avaler, sur mode vibreur

8. Choisissez une garde du corps: Ripley dans Aliens. Mystique dans X-Men. Sarah Connor dans Terminator 2. The Bride dans Kill Bill. Mace dans Strange Days?
Oh, Ripley, c'est sûr! Quoi que...Sarah Connor établissait quelques standards, elle aussi.

9. La chose la plus effrayante que vous ayez vue au cinéma?
Bon cop, bad cop.

10. Votre genre favori (à part la comédie et le drame) ?
Film noir! Anciennes et nouvelles versions, always a treat.

11. On vous donne le pouvoir de choisir les films dans un grand studio pendant un an. Qu'est-ce que vous faites?
J'abuse, évidemment. Je prends tous les sous destinés aux blockbusters de l'été et part à l'assaut des Clooney, Scorsese, Lynch, Cronenberg, Hayes, Kerrigan, etc... Comme il me reste plein de sous, j'achète une tonne de films indépendants étrangers.

12. Bonnie ou Clyde?
Ah, Bonnie et son p'tit bérêt!

vendredi, novembre 03, 2006

 

La tour, prends garde

Théorie des reliefs
Troisième prise pour Alejandro González Inárritu, prix de la mise en scène à Cannes, mais la recette s’essouffle.

Une maille à l’endroit : un couple d’Américains en pleine crise conjugale est en vacances au Maroc. Madame se prend une balle perdue dans le cou. Une maille à l’envers : une Mexicaine garde les enfants dudit couple à Los Angeles mais veut aller au mariage de son fils au Mexique. Une maille à l’endroit : une japonaise sourde et muette verse dans la rébellion soft pour échapper à son climat familial délétère.

Et voilà où le grand tricot de l’humanité signé Alejandro González Inárritu et son fidèle scénariste Guillermo Arriaga s’arrête. Ne nous méprenons pas : Amores Perros et 21 Grams, deux premiers opus du cinéaste déjà bâtis sur des enchevêtrements narratifs singuliers, avaient cette grâce de savoir tisser des liens organiques et intimes entre leurs récits, naviguant au gré de l’un ou de l’autre dans une mise en scène, certes démiurge, obsédée par la mort, mais également nerveuse et intelligente. Mais voilà, tout homme qui a du pouvoir tend toujours à en abuser, disait Montesquieu. Tout cinéaste pratiquant l’omniscience en fait visiblement de même.

Supervisant son ambitieux récit tricontinental avec la souplesse d’une barre de fer, Alejandro González Inárritu a donc désormais assumé pleinement la puissance que conférait le statut de cinéaste. Même Scorsese paraît plus spontané. Liens à la limite de l’artificiel, définitivement trop placés aux endroits stratégiques de sa construction par un montage exaspérant de contrôle, suspense arrangé, acteurs en quasi-roue libre et interprétations froides (seule Adriana Barraza semble encore saisir l’absolue nécessité de faire vivre un personnage hors des lignes – téléphonées- écrites par le cinéaste), Babel ne parvient donc jamais à réellement exister comme objet-film, tendant beaucoup plus nettement vers l’exercice de son style.

Un exercice de style délibérément pensé en fonction d’une « théorie des reliefs » en soi peu déplaisante. Qu’arrive-t-il lorsque la longue route tranquille de la vie se cabosse? Qu’arrive-t-il quand la ligne des habitudes se brise? Au fond, que faire des accidents? Mais ces aléas, ces respirations, ces reliefs n’existent qu’en théorie dans Babel qui ne parvient jamais à vraiment prendre son ampleur, sa respiration entravée par une sorte de hoquet étouffant.

Sauf peut-être dans le travail sur le son (oublions un instant l’infâme coloration musicale pour évoquer le son, lui-même). Alejandro González Inárritu l’a déjà montré (21 Grams, ou dans son court-métrage de l’anthologie 11-09-01), sa maîtrise de l’environnement sonore est exceptionnelle. Racontant ici bien plus que le récit lui-même, faisant véritablement exister les images en les faisant vibrer d’une résonance nouvelle, le son s’y fait en effet rocailleux dans le désert, strident dans le silence, lourd dans l’air. Texturé, riche, subtil, étant comme justement en relief, il est le véritable cœur de Babel. Si beaucoup professent la mort de l’image, assaillie de toute part par ses dérivés télévisuels et de jeux vidéos, ce film (comme l’avait également professé le Eraserhead de Lynch) leur apporte peut-être la réponse la plus inusitée : la solution est dans le son.

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