mercredi, août 29, 2007

 

Une lady dans les bois


Joli. Nuancé. Sensible. Intelligent. Délicat. Harmonieux. Fin. Élégant. Envoûtant. Frais. Oh, que les adjectifs fusent dès que la dernière image de Lady Chatterley disparaît de l’écran. Oh que les sensations sont encore là, vives et palpitantes. Oh que le voyage a été beau.

Troisième long de Pascale Ferran (Petits arrangements avec les morts, L’âge des possibles), absente du terrain cinéma depuis une bonne dizaine d’années, Lady Chatterley était un pari particulièrement osé. Réussir à se réapproprier le roman de D.H. Lawrence (en tout cas, sa seconde version, Lady Chatterley et l’homme des bois) et faire oublier les sommets de nanar érotico-kitsch qu’il avait pu inspirer, il fallait le faire. Pascale Ferran l’a réussi (en veulent notamment pour preuves les 5 césars récoltés cette année, dont ceux de meilleur film et meilleure actrice), utilisant son matériau littéraire pour simplement nous offrir à voir la naissance d’un amour.

Et quel amour. Simple, beau, honnête. Aussi ensoleillé qu’un matin de printemps, aussi rafraîchissant qu’une perle de rosée, aussi attendrissant que le premier piou-piou d’un poussin. Lady Chatterley et son amant, le garde-chasse. Personne ne trompe ici, personne n’illustre ce vilain mot qu’est adultère. Non. Ici, on aime. C’est tout et c’est déjà beaucoup.

Faisant éclore ce bel amour au rythme des saisons qui passent, Ferran offre alors à son joli couple le plus beau des écrins : la nature. Le clapotis d’une rivière fraîche, les crissements des feuilles mortes, le crépitement d’une pluie d’été. Une épaule qui se dénude, la grâce de quelques cheveux voletant sur une nuque, la force d’une main virile. Les yeux, sublimes et expressifs, de Marina Hands, le demi-sourire doux et tendre de Jean-Louis Coulloc’h. Une mise en scène toute en douceur, empruntant chapitrages et jolie voix-off à la Varda à sa racine littéraire. Il en faut parfois si peu.

Sorte de petit manuel de simplicité cinématographique, Lady Chatterley est avant tout un film émouvant. Mais attention, il ne s’agit pas de ces émotions fabriquées, frelatées, trafiquées que le cinéma nous balance habituellement à la tonne pour mieux nous harponner. Non, simplement, ici l’émotion est pure, délicate, douce. Rarement l’alliance de la chair et des sentiments aura été aussi bien traitée au cinéma. Rarement les sens n’auront été si justement sollicités. Rarement un film nous aura autant enchanté.

Dès vendredi dans tous les bons cinémas.

vendredi, août 24, 2007

 

Bahhh, la culture

Regardez bien cet article paru dans La presse présentant la programmation à venir de Radio-Canada.

Youpi, des petites guéguerres de clocher. Youpi, des émissions de variétoches. Youpi, des téléromans dont on sait déjà tout-tout-tout parce que ça, c'est important. Youpi, des jeux, du pain et le peuple est content

Mais regardez encore plus bas....


Très très bas

A la fin, en fait.

On trouve cette phrase lapidaire
"La culture logera le dimanche après midi à 15 h."

Expéditif a dit quelqu'un dans le fond? Maiiiis non, vous êtes bien trop cruels. C'est juste que la culture, franchement, pourquoi ça nous intéresserait?

jeudi, août 23, 2007

 

Losique en force?

Lu ce matin dans Le Nouvel Observateur
"Le Festival de Montréal tente un retour en force, après avoir vu sa crédibilité complètement minée sur les scènes locale et internationale"

Dans un premier temps, on saluera ce qui a toujours été une des plus grandes, sinon la plus grande, force de Serge Losique: son sens de la plogue.

Ensuite, on se laissera titiller par la question: le FFM qui commence aujourd'hui avec Bluff de Fecteau-Lavoie (pas entièrement désagréable, mais beaucoup beaucoup de télé dans ce ciné-là) est-il vraiment encore aussi moribond qu'il en a l'air? Pas sûre...Je n'ai pas vu grand chose de la programmation (pas eu le temps encore de me poser), mais on sent bien, en débarquant ici, une sorte d'effervescence fébrile, une petite excitation attentive.

Alors, mort ou pas mort, ce FFM?

ps: mettez-moi ce graphiste responsable de l'affiche au pain sec et à l'eau pendant 10 jours, histoire qu'il réfléchisse un peu à ce qu'il a fait.

mercredi, août 22, 2007

 

Toujours plus joli que la face en gros plan de 3 vedettes

Ouvert par deux artistes, Robb Smigielski et Jamie Gray, A Grayspace Posters regroupe environ 200 posters de films réalisés par des artistes polonais...

Je sais, la pub, le commerce, le marketing et tout ces autres barbarismes, mais est-ce que nos amis les distributeurs ne pourraient pas se forcer un peu ? Les affiches avec les faces énorme format de nos grosses vedettes, ça commence à lasser...

À ce sujet, puisque les choses sont ma foi fort bien faites en ce bas monde, on trouvera dans Le Monde d'aujourd'hui, un intéressant portrait de Pierre Collier, un affichiste français responsable, entre autres, des affiches de Yiyi ou de Persepolis.

"Lorsqu'un film connaît un échec, il arrive que l'on mette en cause l'affiche. Le contraire, bien sûr, n'est jamais vrai." La suite


mardi, août 21, 2007

 

C'est bon d'être à la maison

...Vacances finies, ou presque. Encore plein de petites étoiles irlandaises dans les yeux (ou sont-ce les vapeurs de Guinness, décidemment meilleure sur place?).

J'ai raté beaucoup de choses, je crois. Ce FFM qui arrive au galop, ces reprises au Parc, cette vie qui a l'air de grouiller. Merci, les amis, d'avoir tenu Arrête ton Cinéma vivant pendant la pause. Merci pour les suggestions, les débats, les questions...

Je me remets dans le bain et on se redonne vite vite des nouvelles.

Ah, j'allais oublier, j'ai tout de même pu jeter un oeil à quelques films par là-bas. La fille coupée en deux, de Chabrol, qui comme toujours se paye la tête avec truculence de l'hypocrisie bourgeoise et qui, comme Woody Allen, nous fait le coup du vieux-cinéaste-qui-se-laisse-affoler-par-une-jeune-et-sublime-actrice-affriolante, Ludivine Sagnier.
L'écriture est belle, la mise en scène théâtrale et élégante, le drame jouissif, Chabrol est en pleine forme.
Mais encore plus de coeur qui bat pour La naissance des pieuvres, premier long de Céline Sciamma (Quinzaine): 3 adolescentes, 3 femmes-enfants découvrent leur sexualité et la nage synchronisée. On se laisse submerger sans jamais se noyer. L'impression de voir une cinéaste affronter ses propres souvenirs avec une sincérité désarmante, une sensualité carrément troublante et un regard sur l'adolescence aussi cruel que profondément juste. La musique se la raconte peut-être trop Virgin Suicides, la fin perd la belle tonalité naturaliste du film, mais beaucoup, beaucoup de frissons. Et ceux du bon genre, en plus. Pas encore vu dans les sorties annoncées par ici, mais je surveille.

mercredi, août 01, 2007

 

Cheers, mates

Les amis,

Je vous quitte pour quelques vacances bienvenues. Je suis partie vérifier si la Guiness a vraiment un goût différent dans ses terres natales.

De retour aux alentours du 20 août (moment vers lequel je vais officiellement devenir trentenaire, quelle cochonnerie). D'ici là, soyez sages, ou presque, mangez sain et faites gaffes aux coups de soleil.

Je compte sur vous pour me raconter ce que je vais manquer!

 

Le vieil homme et la mort

J'aurai aimé trouver les mots justes, les pensées exactes pour pouvoir dire pourquoi Bergman nous manquera autant, pourquoi, tous, nous avons ce drôle de sentiment qu'un phare s'est éteint, et que nous naviguerons désormais pour quelque temps à l'aveuglette.
Mais ça écrase, une mort comme ça.
Alors, je me suis dit que peut-être, certains n'avaient pas vu Saraband, son dernier film, et que peut-être, peut-être, une critique les y pousserait.

Telle quelle, voici celle que je publiais au moment de sa sortie en salles.

Saraband, dernier film du maître suédois, fait grincer les violoncelles pour atteindre une puissance rare.

Ingmar Bergman a 87 ans. En 1982, il annonçait que Fanny et Alexandre serait son dernier film. Pourtant, il a, depuis, continué à écrire (entre autres pour sa chère complice de toujours, Mme Persona, Liv Ullmann), à gagner des prix (cette palme des palmes remise lors du 50ème festival de Cannes), à mettre en scène des pièces de théâtre et à tourner, pour la télévision. Ce Saraband, véritable joyau, a ainsi été diffusé à la télévision suédoise en décembre 2003, avant de prendre la route des festivals. On raconte qu’après avoir vu le film lors d’une rétrospective consacrée au maître, Jeanne Moreau lui aurait écrit pour le convaincre d’autoriser la diffusion de Saraband en salles. Est-ce vrai ? Peu importe. Désormais Saraband est là et c’est bien tout ce qui compte.

Tourné en haute définition numérique et projeté de même, selon les volontés du cinéaste (qui aurait été fort mécontent du transfert en 35 mm du film), Saraband est une partition divisée en 10 chapitres, jouant la mélodie tantôt grinçante, tantôt douce, toujours lumineuse d’une comédie humaine des plus intenses. Rusé comme un vieux renard, c’est dans un prologue déconcertant que Bergman laisse entrapercevoir ses intentions. Liv Ullmann, ou plutôt les yeux de Liv Ullman, profonds, rieurs, superbes, se vissent dans les nôtres pour nous expliquer, au travers d’un amoncellement de photos posé devant elle, la vie qui a passé. Celle de son personnage, Marianne l’avocate, retrouvé 30 ans après avoir existé dans Scènes de la vie conjugale. Celle de Johan aussi (Erland Josephson, un autre habitué des scènes bergmaniennes, notamment dans Cris et chuchotements ou Fanny et Alexandre), ami, amant, mari, perdu de vue depuis ce film, et qu’elle décide, sans savoir réellement pourquoi, d’aller retrouver dans sa maison de campagne où il vit reclus. Celle du cinéma de Bergman enfin, attendu, espéré, et qui se renouvelle ici sous nos yeux pour atteindre une pureté éblouissante, une essence aboutie.

Mais nous sommes chez Bergman et ces retrouvailles ne peuvent pas être simples ou moralistes. Elles sont pétries de souvenirs, de pulsions, de cruauté, et ce dès ce premier baiser que Marianne pose sur la joue de Johan. Toujours sur le point de se casser en 1000 morceaux pour révéler l’enfoui, le caché, le terrible. La mort, aussi, spectre infernal, plane quelque part au-dessus du couple. Et voilà que le malin suédois dévide avec limpidité la bobine psychologique de relations familiales complexes, comme autant de cris de rage lancés par la vie. L’on y croise ainsi Henrik, professeur d’université (Börje Ahlstedt, troublant), le fils maudit de Johan, et sa fille Karin (Julia Dufvenius, émouvante et nouvelle venue dans l’univers du réalisateur), blonde et jeune violoncelliste tombée sous la coupe quasi-tyrannique de son père depuis la mort de sa mère adorée, Anna. Chacun aura droit à sa confrontation devant des champignons à nettoyer ou dans un bureau aux étagères débordant de livres, chacun se mesurera à son ultime moment de vérité, jusqu’au prologue, conclusion simple et bouleversante.

Mais c’est dans l’organisation de ce tumulte des sentiments au son pénétrant de La Sarabande de Bach, que le cinéaste éblouit. La mise en scène, d’une précision redoutable, le mouvement, incroyablement maîtrisé, les corps, habitant l’espace avec grandeur et déchéance, le hors-champ, superbement évocateur, la caméra, systématiquement à la bonne distance, ni trop loin, ni trop proche. Tout participe dans ce Saraband d’un langage cinématographique raffiné à l’extrême. Rien ne dépasse, et pourtant rien ne suggère l’obsession. Rien ne manque, et pourtant tout y est à deviner. Tout y est contrôlé et pourtant tout y respire le naturel et l’évidence. Jouant du chaud et du froid comme une journée d’automne, le cinéaste met alors la télévision au pas du cinéma en lui insufflant une bonne dose de théâtralité, grâce à ses acteurs d’une classe totale, dirigés avec finesse et plongés dans des décors quasi-vivants. Audacieux, cru, lucide, Saraband est réglé avec la précision d’un métronome agençant la mise à nu grinçante d’âmes angoissées et révélant paradoxalement une sérénité aux accents majestueux. Très loin d’être un film de festival ou de critiques, le film est avant tout une œuvre diablement humaine, universelle. Ingmar Bergman est peut-être un vieil homme, mais que personne n’ose dire qu’il est un vieux cinéaste.

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