jeudi, avril 26, 2007
Ados en déroute
Murali K. Thalluri a 20 ans. Pour créer le mythe, l’histoire raconte que c’est après le suicide d’une de ses amies et sa propre tentative de suicide que sa vocation de cinéaste s’affirma. Le malheur comme moteur, on connaît la chanson. Mais là où elle surprend un peu plus, c’est que le jeune autodidacte australien a non seulement réussi à faire embarquer dans son projet Leslie Shatz, ingénieur du son attitré de Gus Van Sant, mais est encore parvenu à se faufiler dans les rangs d’Un Certain Regard à Cannes en 2006.
2 :37, c’est donc le titre de ce premier essai. 2 :37 comme l’heure où une adolescente se donne la mort dans les toilettes d’une école. 2 :37 comme le moment où le temps s’arrête. 2 :37 comme l’instant tragique qui ouvre et achève le film.
Littéralement pompé sur Elephant (l’on y suit 6 adolescents dans l’école dans les heures précédant l’événement tragique, en répétant par exemple certaines actions selon les points de vue), 2 :37 fait aussi la compilation des différentes manières de la crème du cinéma mondial face à l’adolescence.
Ainsi, si le documentaire percutant fait son entrée par l’inclusion de quelques interviews en noir et blanc des adolescents en question, le récit se place également volontairement sous l’ombre tutélaire de 3 grands maîtres de l’observation de ces nouvelles pousses bourgeonnantes que sont les ados : Sofia Coppola et son sens inouï de la mélancolie, Larry Clark et ses portraits de groupe à l’innocence en cavale et bien sûr Gus Van Sant et ses mises en scènes humanistes, virtuoses et organiques.
Les références sont énormes. Mais où se situe donc le regard propre de Thalluri? On aimerait le trouver dans cette mise en images douce et fluide, mais celle-ci s’empêtre bien trop vite dans ses tics poseurs. On aimerait encore le dénicher dans cette observation lancinante de ses personnages, mais celle-ci se casse bien vite le nez sur son catalogue façon MTV de tous les problèmes possibles des adolescents. Rajoutons à cela des scènes finales particulièrement éprouvantes et sans pudeur et un suspense d’un goût douteux organisé autour de l’identité de la victime, et nous voilà face à un film dont les promesses s’échouent dans un manichéisme et un sensationnalisme décevants. Au fond reste une question : peut-on vraiment reprocher à quelqu’un de 20 ans de manquer de maturité?
mardi, avril 24, 2007
Ca, c'est du sport!
Grâce à la suggestion éclairée de Raf, je vous annonce en exclusivité mondiale la tenue ici-même du PREMIER POOL OFFICIEL CANNES 2007.
Arrête ton Cinéma ne s'arrête devant rien pour divertir ses lecteurs et voilà donc pourquoi je vous invite, à compter du premier jour du festival, le 16 mai prochain (ou avant, si vous vous sentez Nostradamus) à laisser vos prévisions à la suite d'un message qui sera posté à cet effet.
Le pool se terminera le samedi 27 mai à minuit.
Je vous rappelle les principaux prix à deviner:
La Palme d'Or
Le Grand Prix
Le Prix d'interprétation féminine
Le Prix d'interprétation masculine
Le Prix de la mise en scène
Le Prix du scénario
Le Prix du Jury
Le Prix de la Caméra d'Or.
Le gagnant se méritera notre admiration éternelle ainsi qu'une bière bue à sa santé.
jeudi, avril 19, 2007
BD et ciné font parfois bon ménage
J'aime profondément le Festival de Cannes. J'ai eu la chance d'y aller deux fois, de vivre des moments absolument incroyables (comme espionner Terry Gilliam et Mathieu Kassovitz échanger leurs commentaires de jurés devant The Man Who Wasn't There des Coen ou voir une dame visiblement peu au courant mendier des billets pour une projection à ce qu'elle devait penser n'être qu'un gros homme mal fagoté mais qui, sous le nom de Michael Moore, allait gagner une palme d'or quelques jours plus tard).
Bref, je m'y intéresse comme une groupie et j'irai fort probablement reluquer chaque jour le site du Festival sur lequel un dessinateur que j'aime, Joan Sfar, a promis de croquer quelques joyeux moments.
Mais enfin....
Mais enfin, n'ais-je plus les yeux de ma jeunesse? N'avais-je pas lu hier et aujourd'hui ces mauvaises excuses concernant L'âge des ténèbres, de Denys Arcand? Ne m'a-t-on pas seriné que non, le film ne serait pas à Cannes?
Et voilà qu'aujourd'hui, je lis cette liste sur le site du Nouvel Obs telle qu'annoncée, nous dit-on, par "les organisateurs du Festival de Cannes". Seront donc en compétition cette année, du 16 au 27 mai:
- My Blueberry Nights, du cinéaste de Hong-Kong Wong Kar-wai, avec la chanteuse Norah Jones, Jude Law, Rachel Weisz et Natalie Portman, en film d'ouverture. Si évidemment le rusé cinéaste ne nous refait pas le coup du prêt, pas prêt, attendez, j'ai oublié une bobine quelque part.
- Le scaphandre et le papillon, de Julian Schnabel, avec Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner et Marie-Josée Croze (sachant que 3 minutes et quart lui assurent un prix d'interprétation, elle doit déjà se frotter les mains)
- Une vieille maîtresse, de Catherine Breillat (avec Asia Argento), ou le retour de la provoc à deux balles
- Les chansons d'amour, de Christophe Honoré (avec Louis Garrel et Ludivine Sagnier) et la grande question: Honoré a-t-il enfin compris que la Nouvelle Vague était morte et bien morte de sa belle mort?
- No Country for Old Men, des Américains Ethan et Joel Coen (avec Tommy Lee Jones et Javier Bardem). Celui que j'attends le plus
- Zodiac, de l'Américain David Fincher (avec Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo, Robert Downey Jr). Pas vu, mais on m'en a dit du bien
- Alexandra, du Russe Alexander Sokourov; une valeur sûre
-Death Proof, de l'Américain Quentin Tarantino; étrange, étrange...
- Paranoid Park de l'Américain Gus Van Sant, ça sent la palme?
-Auf der anderen Seite (De l'autre côté) de l'Allemand Fatih Akin (avec Hanna Schygulla) qui nous avait déjà bien plus avec son Head-On
-We own the night de James Gray: un bout de temps qu'on ne l'avait pas vu, lui.
-Mogari no mori ("La forêt de Mogari") de Naomi Kawase
- Breath de Kim Ki-duk: pas trop tôt.
-Promise me this d'Emir Kusturica: le grand retour du fils prodigue
- Secret sunshine de Lee Chang-dong
-4 luni, 3 saptamini si 2 zile ("4 mois, 3 semaines et 2 jours") de Christian Mungiu
-Tehilim de Raphaël Nadjari
-Stellet licht ("Lumière silencieuse") de Carlos Reygadas, lui aussi un habitué
-Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, bien hâte de voir ça
-Import export d'Ulrich Seidl
-The man from London de Béla Tarr: énorme concurrent
-Izganie ("The banishment") d'Andrey Zvyagintsev
Le film de clôture (hors-compétition) sera L'âge des ténèbres, du Canadien Denys Arcand (avec Diane Kruger et Emma de Caunes).
Hors-compétition, on retrouve
-Boarding Gate, d'Olivier Assayas (avec Asia Argento, Michael Madsen et Tony Leung Ka Fai);
-Ocean's 13, de l'Américain Steven Soderbegh (avec George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon, Andy Garcia et Al Pacino);
-A Mighty Heart, du Britannique Michael Winterbottom (avec Angelina Jolie)
-Sicko, de l'Américain Michael Moore.
Oui, vous avez bien lu, après la petite hystérie nationale d'hier, Arcand fait finalement la clôture....Juste une question comme ça, en passant: on se moquerait pas un peu du monde, là?
mardi, avril 17, 2007
Signe, comme tu n'as jamais signé
Allez, on sort tous nos crayons virtuels et on se rue pour signer la pétition sur le web (telle que vue sur le blogue de Jason) destinée à soutenir le cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (à répéter 10 fois, très vite, tous les matins) refusant de soumettre son film à la censure éditoriale qu'exige son pays.
The film “Sang Satawat” (“Syndromes and a Century”), recently submitted to the Censorship Board, was not approved for release in Thailand unless cuts are made. The Board would permit the release on the condition that four cuts were excised. As a result, director Apichatpong Weerasethakul decided to cancel commercial release of the film in Thailand and stood firm that these cuts not be made. He has issued a statement: “I, a filmmaker, treat my works as my own sons or my daughters. When I conceived them, they have their own lives to live. I don't mind if people are fond of them, or despise them, as long as I created them with my best intentions and efforts. If these offspring of mine cannot live in their own country for whatever reasons, let them be free. Since there are other places that warmly welcome them as who they are, there is no reason to mutilate them from the fear of the system, or from greed. Otherwise there is no reason for one to continue making art.”
La suite plus un cours de thaïlandais gratuit.
Pour d'autres nouvelles sur le petit génie du cinoche thaï, le site web de sa compagnie, Kick The Machine
vendredi, avril 13, 2007
Avoir de la chance.
Beaucoup de gens ont de la chance.
Tiens, les abonnés au journal Le Monde, par exemple. Oui, parce que ces braves gens ont, en plus de leur abonnement, l'occasion de pouvoir découvrir la collection Le cinéma du Monde.
Et force est de constater, cette série de 8 coffrets regroupant chacun 12 films est loin d'être de la gnognotte.
Et puis, moi aussi, j'ai de la chance. Celle d'avoir une maman abonnée au Monde qui se sacrifie pour envoyer à sa fille les fameux coffrets qu'elle reçoit.
Hier, fébrile, j'ai ouvert le paquet contenant la série 8 de la collection. Au programme (toutes des versions originales sous-titrées, of course):
- Phantom of the Paradise, De Palam
-Festen, Vinterberg
-Breaking the waves, Von Trier
-Johnny s'en va-t-en guerre, Trumbo
-Masculin, féminin, Godard
-Oliver Twist, Lean
-Le lys de Brooklyn, Kazan
-Que la bête meure, Chabrol
-The Hit, Frears
-Another Country, Kanievska
-Scènes de la vie conjuguale, Bergman
-Sweet Sixteen, Loach
Chaque coffret est comme ça, débordant de trésors, faisant se cotoyer avec passion de vraies perles cinéphiles.
Ici, 24 Images a pris la belle initiative d'offrir un dvd contenant monts et merveilles à ses abonnés avec chaque parution. Mais imaginez, si la belle équipe avait de vrais moyens, ce dont nous pourrions aussi profiter...
En admirant mon nouveau coffret, je me suis prise au jeu. Et si on me demandait à moi de réunir 12 films qui me font battre le coeur (en sachant que j'aurais encore 8 coffrets à remplir), qu'est-ce que j'y mettrais?
Peut-être:
-Pulp Fiction, Tarantino
-Fargo, Coen
-Touch of Evil, Welles
-Some Like it Hot, Wilder
-Singin' In The Rain, Donen-Kelly
-Yes, Sir! Madame..., Morin
-Elephant, Van Sant
-Mulholland Drive, Lynch
-Full Metal Jacket, Kubrick
-Casino, Scorsese
-Keane, Kerrigan
-The Women, Cukor
Et vous?
mercredi, avril 11, 2007
Ca commence bien une journée, ça
Drôle de nouvelle lue ce matin dans Le Monde.
Pour la 5ème fois, la famille du cinéaste Mohsen Makhmalbaf a été la cible d'un attentat en Afghanistan.
Le 27 mars dernier, alors que Samira, la fille, tournait, sous la protection de soldats afghans, des plans de son prochain film, Le cheval à deux jambes (écrit par son père), un homme caché parmi les figurants a lancé une bombe sur le plateau. Plusieurs blessés, aucun mort sauf un cheval et un âne.
Personne n'a revendiqué l'attentat.
Depuis 3 ans, Makhmalbaf et sa famille, considéré comme des opposants au régime iranien, n'ont plus le droit d'y travailler.
Plus ça change, plus c'est pareil. Il y a un an et des poussières, j'écrivais ce bout d'édito dans le ICI.
(...) Nous apprenions vers le 26 octobre que l’Iran avait décidé de bannir les films étrangers de ses écrans, notamment ceux de la télévision publique. Sous l’autorité du décidemment de plus en plus sympathique président, Mahmoud Ahmadinejad, le conseil suprême de l’autorité culturelle a donc porté son coup contre la fameuse culture occidentale, si corrompue et si nocive, répudiant en cela tous les efforts du précédent président, Mohammad Khatami pour encourager la coexistence des cultures et le dialogue entre les civilisations, malgré son sens de la censure aiguisé. Au menu du bannissement : l’alcool, les drogues, la violence, la laïcité, les idées féministes, anarchistes, libérales propagées par ces films oppresseurs et bien sûr tout vidéo-club qui osera les offrir. Oups. Ne serait-ce pas l’odieuse odeur des autodafés qui remonte aux narines ? Ou peut-être les relents nauséabonds des fatwas ?
La nouvelle, beaucoup moins sexy que notre guerre des festivals, a attiré peu de regards sur elle. Pourtant, sa profonde dangerosité n’est pas sans rappeler que la culture est bien souvent la première à pâtir des dérives fascistes des États. Et sans être paranoïaque, on serait tenté en ce domaine de croire que rien ne va dans le pire des mondes.
L’accès d’autoritarisme iranien n’est, en effet, pas seul à dénoter un climat dangereux. Ainsi, le jeune cinéaste sri-lankais de 28 ans pour l’instant installé en France, Vimukthi Jayasundara (auteur de ce beau La terre abandonnée présenté au dernier FNC et caméra d’or à Cannes) a, pour sa part, peur de rentrer dans son propre pays. Un haut dignitaire de l’armée, l’amiral Weerasekara l’aurait, en effet, menacé de mort par pendaison pour avoir, dans son film, terni l’image de l’armée, fait l’apologie du terrorisme et travaillé pour le compte de l’étranger. Le courageux distributeur du film l’a alors immédiatement déprogrammé des écrans sri-lankais et d’autres cinéastes, tels Asoka Handagama,Prasanna Vithanage, Sudath Mahadivulwewa, prônant eux aussi la voie d’un pacifisme sans compromis, se sont vus qualifiés publiquement de nouveaux terroristes.
Les temps sont sombres. Alors bien sûr, on préfèrera trouver cela bien lointain et se dire, tranquilles au coin du feu, cela ne peut pas arriver ici. On préfèrera s’endormir sur nos acquis en refusant de voir que la place de la culture dans notre monde s’amenuise comme une peau de chagrin. On préfèrera oublier que ce qui se passe à l’autre bout du monde doit nous concerner en plein pour que nous ne puissions pas dire je ne savais pas.
C’est pourquoi il faut défendre la culture, se manifester pour qu’elle reste vivante, la considérer comme un droit de l’humanité. La responsabilité est bien sûr à partager et n’appartient pas qu’aux États. Car c’est à nous, critiques de lutter au mieux de nos moyens pour ne pas se faire imposer de devenir relais de promotion. À nous, lecteurs, de résister à l’attrait de nous contenter de ces informations culturelles amoindries. À nous, spectateurs, d’exiger plus que ce dont tout le monde parle afin que notre culture ressemble à ce qu’elle mérite d’être. Car on ne s’en rend peut-être pas bien compte, mais au fond, c’est notre liberté qui en dépend.
vendredi, avril 06, 2007
Mémoire cannoise
Nous avions déjà parlé de l'Institut National de l'Audiovisuel, cette organisation française chargée de préserver la mémoire des images.
Et bien, voilà que, toujours dans l'objectif de faire reluire le patrimoine qui en a, il est vrai, bien besoin, l'INA annonce la création d'un site consacré au Festival de Cannes. Historique depuis 60 ans, quizz pour faire le malin, carnets cinéma (dont celui de Jean-Michel Frodon, directeur de la rédaction des Cahiers du cinéma), 1500 documents audiovisuels, fresque interactive, excusez du peu, une mine de trouvailles et anecdotes sur le festival le plus cinéphile du monde.
Bonne visite
jeudi, avril 05, 2007
YES!
Nous en rêvions, le Parc l'a fait!
Je viens en effet de recevoir un communiqué annonçant la tenue d'une rétrospective Lynch au mois de mai. Oui, oui, 18 jours consacré à ce cinéaste hors du commun, habité, aussi génial que mystique rien que pour nos beaux yeux. Eraserhead, The Elephant Man, Blue Velvet, Wild at Heart (mon chouchou), Twin Peaks, Lost Highway, The Straight Story, Mulholland Drive (un pur bijou), mais aussi ses courts-métrages et en complément Pretty as a Picture: The Art of David Lynch
Mais ce n'est pas tout. Non, ne vous pincez pas, vous n'êtes pas en train de rêver, le cinéma du Parc nous fait aussi un autre beau cadeau: la présentation en première, top exclu, trop cool, super scoop, du plus récent bébé de Lynch: Inland Empire.
Cotillons, joie, bonheur, et rendez-vous à partir du 30 avril au cinéma du Parc!
Oh, j'allais oublier de vous dire, le film sera présenté en version originale avec sous-titres français. C'est trop de bonheur, je pense que je vais aller m'évanouir.
Trois belles heures
...Trois belles heures d'hommage déjanté et débridé au cinéma d'exploitation des années 60-70 que seul le continent nord-américain verra dans leur entiéreté, j'aurais du bondir sur mon siège comme une fillette en plein rush de sucre.
Tout commença pourtant assez bien. Entrée dans la salle, attente impatiente, premiers frissons devant la fausse bande-annonce absolument hilarante de Machete. Lignes qui craquent la pellicule, son et images salies. Et le rire, inévitable devant ce pop-corn ultra beurré géant qu'est Grindhouse. Soupir de soulagement, l'expérience allait être là.
Débute Planet Terror, signé Robert Rodriguez et ses zombies pustulants et ses go-go dancers unijambistes. Du n'importe quoi fait avec une jouissance telle qu'elle en devient parfaitement communicative. Rodriguez retombe en adolescence, nous prenant par la main pour nous faire jublier avec lui de tous ces effets énormes. Satisfaction bête et première. Aucun recul critique à signaler, le plaisir est là.
Intermède de bandes-annonces (Edgar Wright, Eli Roth, Rob Zombie). Nicolas Cage en Fu Manchu. Je ricane toujours.
Arrive mon plat de résistance, ce que je voulais être mon petit moment de plaisir coupable, mon nounours à serrer dans mes souvenirs les soirs de pluie. Death Proof de Quentin Tarantino. Le film commence, je me cale dans mon fauteuil, prête comme jamais. Malaise. Quand est-ce que ce film commence? Des belles filles discutent de tout, de rien, surtout de rien sans que l'habituel frisson des papoteries tarantiniennes ne me saisisse. Kurt Russell est lui aussi bel et bien là, présence magnétique, en ancien cascadeur serial-killer. Il ne se passe toujours rien sauf d'interminables palabres. Et une mort. Saut dans le temps. D'autres filles, d'autres jacasseries. Kurt Russell est toujours là. Enfin, une poursuite en voiture. Soulignée au crayon rouge, la référence à Vanishing Point. Les filles sont belles et fortes.
Et d'un coup, la pensée me saisit: Tarantino ne joue pas le jeu! Il ne se laisse pas aller à ce plaisir nostalgico-toc que j'attendais. Il contrôle, mégalomane, pour mieux faire admirer sa connaissance encyclopédique du sous-genre de la série Z. Regardez mon beau faux-raccord. Regardez comme je sais bien faire comme si une bobine manquait. Regardez comme je manipule bien. Regardez moi, moi, moi. Et n'oubliez pas que je suis un auteur, que j'ai gagné une palme d'or. Regardez, admirez, béatifiez.
Dernières minutes du film en forme de rédemption. Enfin, cette jouissance pure, spontanée. Enfin Tarantino semble avoir abandonné l'idée de faire pour être. Avec ses personnages, avec ses paysages, avec son film.
Je sors du cinéma, quelques illusions en moins. Tarantino ou la fable de l'adorable gremlins qui, un jour, s'est pris pour une vache sacrée.
Tout commença pourtant assez bien. Entrée dans la salle, attente impatiente, premiers frissons devant la fausse bande-annonce absolument hilarante de Machete. Lignes qui craquent la pellicule, son et images salies. Et le rire, inévitable devant ce pop-corn ultra beurré géant qu'est Grindhouse. Soupir de soulagement, l'expérience allait être là.
Débute Planet Terror, signé Robert Rodriguez et ses zombies pustulants et ses go-go dancers unijambistes. Du n'importe quoi fait avec une jouissance telle qu'elle en devient parfaitement communicative. Rodriguez retombe en adolescence, nous prenant par la main pour nous faire jublier avec lui de tous ces effets énormes. Satisfaction bête et première. Aucun recul critique à signaler, le plaisir est là.
Intermède de bandes-annonces (Edgar Wright, Eli Roth, Rob Zombie). Nicolas Cage en Fu Manchu. Je ricane toujours.
Arrive mon plat de résistance, ce que je voulais être mon petit moment de plaisir coupable, mon nounours à serrer dans mes souvenirs les soirs de pluie. Death Proof de Quentin Tarantino. Le film commence, je me cale dans mon fauteuil, prête comme jamais. Malaise. Quand est-ce que ce film commence? Des belles filles discutent de tout, de rien, surtout de rien sans que l'habituel frisson des papoteries tarantiniennes ne me saisisse. Kurt Russell est lui aussi bel et bien là, présence magnétique, en ancien cascadeur serial-killer. Il ne se passe toujours rien sauf d'interminables palabres. Et une mort. Saut dans le temps. D'autres filles, d'autres jacasseries. Kurt Russell est toujours là. Enfin, une poursuite en voiture. Soulignée au crayon rouge, la référence à Vanishing Point. Les filles sont belles et fortes.
Et d'un coup, la pensée me saisit: Tarantino ne joue pas le jeu! Il ne se laisse pas aller à ce plaisir nostalgico-toc que j'attendais. Il contrôle, mégalomane, pour mieux faire admirer sa connaissance encyclopédique du sous-genre de la série Z. Regardez mon beau faux-raccord. Regardez comme je sais bien faire comme si une bobine manquait. Regardez comme je manipule bien. Regardez moi, moi, moi. Et n'oubliez pas que je suis un auteur, que j'ai gagné une palme d'or. Regardez, admirez, béatifiez.
Dernières minutes du film en forme de rédemption. Enfin, cette jouissance pure, spontanée. Enfin Tarantino semble avoir abandonné l'idée de faire pour être. Avec ses personnages, avec ses paysages, avec son film.
Je sors du cinéma, quelques illusions en moins. Tarantino ou la fable de l'adorable gremlins qui, un jour, s'est pris pour une vache sacrée.