jeudi, juin 04, 2009
LA BÊTE ARRIVE
Alors, le voilà. Le génie. Le prodige. Le médiatiquement béni des Dieux. Alors, le voilà le chef d’œuvre canonisé avant l’heure. Avant la récolte, il faut pourtant épousseter. Se débarrasser des scories. Au-dessus du film, au moins 10 cm de retombées nocives, forgées à grands coups de superlatifs et de débordements. Il faut déblayer. Parce qu’il faut être juste.
Être juste devant J’ai tué ma mère, premier long par trois primé lors de la dernière Quinzaine des réalisateurs, c’est tenter de voir l’objet le plus nettement possible, refuser d’entendre les trompettes de la renommée sans non plus céder à l’envie malsaine de faire du film un bouc émissaire. Alors, il faut reconnaître. La maturité étonnante d’une jeune homme de 20 ans d’abord, qui a su dompter la bête journalistique avec sagacité. Son talent certain aussi à écrire des dialogues qui sonnent justes, qui ne ratent jamais la cible, qui s’emplissent habilement de non-dits pour peser encore davantage. Et encore son pouvoir de conviction : avoir réussi à faire embarquer Anne Dorval dans ce projet un peu fou, l’avoir poussée sur les chemins du doux-amer comme pour encore mieux la révéler, ce n’était pas à la portée du premier venu. Drôle, émouvante, inattendue, c’est à elle d’ailleurs qu’il a réservé un morceau de choix : maman au bout du rouleau, méprisée par son fils, elle explose dans la dernière bobine. Là encore, les dialogues savent révéler beaucoup plus qu’ils ne disent : la mère craque, le volcan explose sous la pression, la rage est pure.
Mais il faut aussi regarder le reste. Ce qui bloque. Ce qui fait barrage à un vrai enthousiasme. Les références (Wong Kar-wai, Truffaut, Pierre et Gilles, Musset, Maupassant, Cocteau…après la mère, il lui faudra aussi accepter de tuer les pères) et le symbolisme (une vitre explose quand le monde du jeune homme s’écroule!) écrasants et malhabiles. Le scénario de court-métrage étiré en boucle qui répète ad nauseam une scène séminale alors que rien ne ressemble plus à une engueulade avec maman qu’une autre engueulade avec maman. Le récit enfermé sur lui-même qui refuse toute prise directe avec le monde qui l’entoure. Pas de sous-texte, pas de hors-champ dans J’ai tué ma mère, le bobo qu’on gratte jusqu’à l’écoeurement envahit tout l’écran. Mais aussi, et surtout, cette mise en scène faisant du sempiternel ralenti une arme bien lourde, accumulant les cadrages spécieux et les effets de style maniérés, rythmée au petit bonheur la chance par un montage sec et baignant dans une photographie terne et granuleuse nuisant sérieusement au charme de l’entreprise.
Non, J’ai tué ma mère n’est pas un chef d’œuvre. Les trompettes de la renommée ont rugi trop vite. Car si le premier long de Xavier Dolan est certes un bel exercice d’écriture, il nous montre aussi à voir un cinéaste en train de faire ses armes de metteur en scène. Et quand le chemin est encore long, rien ne sert de courir….
Être juste devant J’ai tué ma mère, premier long par trois primé lors de la dernière Quinzaine des réalisateurs, c’est tenter de voir l’objet le plus nettement possible, refuser d’entendre les trompettes de la renommée sans non plus céder à l’envie malsaine de faire du film un bouc émissaire. Alors, il faut reconnaître. La maturité étonnante d’une jeune homme de 20 ans d’abord, qui a su dompter la bête journalistique avec sagacité. Son talent certain aussi à écrire des dialogues qui sonnent justes, qui ne ratent jamais la cible, qui s’emplissent habilement de non-dits pour peser encore davantage. Et encore son pouvoir de conviction : avoir réussi à faire embarquer Anne Dorval dans ce projet un peu fou, l’avoir poussée sur les chemins du doux-amer comme pour encore mieux la révéler, ce n’était pas à la portée du premier venu. Drôle, émouvante, inattendue, c’est à elle d’ailleurs qu’il a réservé un morceau de choix : maman au bout du rouleau, méprisée par son fils, elle explose dans la dernière bobine. Là encore, les dialogues savent révéler beaucoup plus qu’ils ne disent : la mère craque, le volcan explose sous la pression, la rage est pure.
Mais il faut aussi regarder le reste. Ce qui bloque. Ce qui fait barrage à un vrai enthousiasme. Les références (Wong Kar-wai, Truffaut, Pierre et Gilles, Musset, Maupassant, Cocteau…après la mère, il lui faudra aussi accepter de tuer les pères) et le symbolisme (une vitre explose quand le monde du jeune homme s’écroule!) écrasants et malhabiles. Le scénario de court-métrage étiré en boucle qui répète ad nauseam une scène séminale alors que rien ne ressemble plus à une engueulade avec maman qu’une autre engueulade avec maman. Le récit enfermé sur lui-même qui refuse toute prise directe avec le monde qui l’entoure. Pas de sous-texte, pas de hors-champ dans J’ai tué ma mère, le bobo qu’on gratte jusqu’à l’écoeurement envahit tout l’écran. Mais aussi, et surtout, cette mise en scène faisant du sempiternel ralenti une arme bien lourde, accumulant les cadrages spécieux et les effets de style maniérés, rythmée au petit bonheur la chance par un montage sec et baignant dans une photographie terne et granuleuse nuisant sérieusement au charme de l’entreprise.
Non, J’ai tué ma mère n’est pas un chef d’œuvre. Les trompettes de la renommée ont rugi trop vite. Car si le premier long de Xavier Dolan est certes un bel exercice d’écriture, il nous montre aussi à voir un cinéaste en train de faire ses armes de metteur en scène. Et quand le chemin est encore long, rien ne sert de courir….
Comments:
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le film a été encensé uniquement parce que dolan est jeune et qu'il a fait son film avec son argent de poche sans le soutien des organismes de subvention.
c'est l'histoire derrière le film plus que celle du film que les médias ont encensés.
bon, évidement je ne l'ai pas vu encore, mais je doute quand même qu'un ti-gars de 20 ans puisse m'épater autant...
peut-être faudrait-il le prendre pour ce qu'il est...
qui a déjà pondu un film remarquable à 20 ans seulement? pt anderson était jeune...carax...
c'est l'histoire derrière le film plus que celle du film que les médias ont encensés.
bon, évidement je ne l'ai pas vu encore, mais je doute quand même qu'un ti-gars de 20 ans puisse m'épater autant...
peut-être faudrait-il le prendre pour ce qu'il est...
qui a déjà pondu un film remarquable à 20 ans seulement? pt anderson était jeune...carax...
Merci à toi et Juliette Ruer.
Il me faut maintenant voir
l'objet tel qu'il prétend être,
à hauteur de mes yeux.
Il me faut maintenant voir
l'objet tel qu'il prétend être,
à hauteur de mes yeux.
J'ajouterais aussi le syndrome de la banlieue étouffante et morose, les clichés et les poncifs du Québec ringard... Mais quand on se compare on se console: des jeunots qui nous sortent ce genre de film à vingt ans, y'en pas eu beaucoup dans l'histoire du cinéma québécois... Pardonnons donc aujourd'hui ceux que nous encenserons demain.
Je n'ai pas encore vu le film (Québec ayant été reléguée à la semaine prochaine...) mais je trouve rafraîchissant de lire un point de vue différent. Cela dit, je suis quand même très curieuse de voir "la bête"!
Vous m'intriguez, anonyme. Comme je n'ai jamais jamais écrit de critique de films de Denis Côté et que je ne le ferais jamais pour des raisons évidentes, je me demande où donc j'ai manqué de justesse à son endroit.
Sans vouloir lyncher le jeune prodigue et recevoir les foudres des «tu peux pas être content quand quelqu'un au Québec est populaire»...mais me semble que Dolan a reçu l'aide des organismes de subvention pour le terminer son film. À chaque fois qu'on m'en parle c'est pour me dire que le type est un fier indépendant DIY.
La réception a été généralement très tiède, est-ce que les critiques sont tous des frustrés jaloux ou est-ce que les médias ont gonflé un film que personne n'avait vu?
On s'en reparle vendredi.
La réception a été généralement très tiède, est-ce que les critiques sont tous des frustrés jaloux ou est-ce que les médias ont gonflé un film que personne n'avait vu?
On s'en reparle vendredi.
Mais bon, on peut quand même féliciter Dolan pour son succès rencontré en salles. Je n'ai personnellement toujours pas vu le film et, compte tenu de mon emploi du temps, je crains de ne le visionner qu'en DVD, mais je néanmoins heureux de voir que le public se déplace pour une production locale. Je signale au passage être conscient que la couverture médiatique n'a certainement pas nui à ce succès.
Mwais, bel exercice de défoulement. Si au moins c'était au second degré, mais j'en doute...
Moi aussi, j'ai été saturé par le battage médiatique au point d'aller voir le film, presque plus pour l'avoir derrière moi, que pour son intérêt propre.
Cela dit j'ai bien aimé J'AI TUÉ MA MÈRE, malgré ses emprunts et quelques maladresses. Faut quand même pas cracher sur le talent. Ce sera surtout intéressant de voir quelle sera sa progression, comme le dit si bien Helen (et d'autres).
Avouons que c'est bien plus intéressant que n'importe lequel Erik Canuel et autres grosses bébelles marketing bien emballées pour consommation rapide...
Le fiel anonyme a bien mauvais (arrière-)goût !
Moi aussi, j'ai été saturé par le battage médiatique au point d'aller voir le film, presque plus pour l'avoir derrière moi, que pour son intérêt propre.
Cela dit j'ai bien aimé J'AI TUÉ MA MÈRE, malgré ses emprunts et quelques maladresses. Faut quand même pas cracher sur le talent. Ce sera surtout intéressant de voir quelle sera sa progression, comme le dit si bien Helen (et d'autres).
Avouons que c'est bien plus intéressant que n'importe lequel Erik Canuel et autres grosses bébelles marketing bien emballées pour consommation rapide...
Le fiel anonyme a bien mauvais (arrière-)goût !
Merci
J'avais peur que la 'balloune' Dolan ne soit increvable.
Ma foi est restaurée temporairement, jusqu'à ce que je vois le dit film, j'imagine.
J'avais peur que la 'balloune' Dolan ne soit increvable.
Ma foi est restaurée temporairement, jusqu'à ce que je vois le dit film, j'imagine.
allez, c'est fini. Pour le remake de la guerre du feu, allez directement chez Bubuth (il a des blogues, on y retrouve les exacts mêmes messages qu'on retrouvait ici et la foire d'empoigne y est ouverte). Chez moi, on parle cinéma, sans insultes. Ca a débordé, j'efface tout. Désolée pour ceux qui n'y sont pour rien.
En lisant ce blogue subitement agité ce matin, il ne me vient que trois lettres: WTF???
D'abord, comme il semble s'agir d'une guerre des amis de l'un contre les amis de l'autre (car il est évident que seuls les amis de Côté peuvent aimer ce qu'il fait), je dirai d'emblée que je ne suis ici l'ami de personne. Et pourtant, j'ai aimé Carcasses, et tous les autres films de Côté d'ailleurs. Et pire encore, je n'avais pas lu avant aujourd'hui ces entrevues cannoises, Côté n'a donc pas pu m'endoctriner par ses mots savamment répétés, j'ai donc décidé TOUT SEUL d'aimer ça. Surprenant quand même.
Ce qui m'agace surtout, outre les invectives et la rage stupide, c'est cette idée que si vous, vous n'avez pas aimé ça, alors c'est certain que si les autres disent qu'ils ont aimé, ils mentent et se cachent derrière les mots de Côté, incapable que nous sommes de penser. D'accord, la critique des films de Côté est généralement pauvre et ne dit pas grand chose, mais c'est le cas de la grande majorité des critiques québécoises. Lussier de la Presse par exemple défend très mal Elle veut le chaos, soit, mais c'est pas parce qu'il peine à s'exprimer que ce qu'il a à dire est nécessairement faux. Pourquoi présumer qu'en fait il s'est emmerdé et qu'il ne veut pas le dire, pourquoi n'arrive-t-il simplement pas à dire ce qu'il a aimé exactement? C'est un critique ordinaire, mais il m'apparaît du moins honnête.
C'est comme cette idée d'ennui: la "dilatation extrême du temps" c'est pas une manière intello de dire qu'on s'emmerde, c'est un fait, tout simplement: le temps est dilaté dans les films de Côté. Maintenant, si ça vous emmerde, c'est bien possible, mais moi, ça m'allume, et je ne suis pas le seul. Dire qu'on s'ennuie en écoutant un film, ça ne veut rien dire, c'est même pas un début de critique, c'est la description d'un état personnel, et on en a rien à foutre: parlons du film. Qu'est-ce qui ennuie, ça c'est la question. Comme dire qu'un film est mauvais parce qu'il n'a pas de personnage, pas d'histoire: c'est un fait, il n'y a pas d'histoire dans Carcasses, ou peu, et alors? Il faut aller un peu plus loin quand même, si un film doit nécessairement avoir une histoire pour être bon, que faire de la carrière d'un Brakhage ou d'un McLaren par exemple? Pas d'histoire, c'est un choix, il faut analyser les conséquences de ce choix dans le film, pas sur nous spectateur: "ça m'emmerde quand y'a pas d'histoire", vous avez le droit, mais ne reprochez pas à un film sans histoire d'être un film sans histoire, c'est aussi con que de dire ce film est bon parce qu'il a une bonne histoire et de s'arrêter là.
Évidemment, c'est les propos de Côté qui choque plus que ses films ennuyants. Je suis moi aussi désolé en lisant ces entrevues, même si je comprends le sentiment: il ne fallait pas le dire, ou en tout cas pas comme ça. Mais Côté a toujours été grande gueule et provocateur, ce n'est donc pas si surprenant ces propos. Et cela n'enlève ou n'ajoute rien aux films: il peut bien dire ce qu'il veut sur ses propres films, ou sur ceux des autres, cela n'a rien à voir avec ce qu'il filme. Mailer et Burroughs étaient des salauds, ils n'en sont pas moins des grands écrivains.
Pour Helen, ce blogue n'a rien à voir avec son travail de critique. Un blogue, c'est personnel, elle pourrait passer son temps à ploguer ses amis et "être juste" avec les autres, on s'en fout. Le jour qu'elle ploguera Côté ou Ouellet dans le 24 Images, ce sera autre chose.
Quant à l'anonymat, c'est un faux débat qui déplace l'attention. D'ailleurs, entre anonyme et yvan ou d, je ne vois pas la différence, ça ne me dit rien de plus sur la personne qui écrit.
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D'abord, comme il semble s'agir d'une guerre des amis de l'un contre les amis de l'autre (car il est évident que seuls les amis de Côté peuvent aimer ce qu'il fait), je dirai d'emblée que je ne suis ici l'ami de personne. Et pourtant, j'ai aimé Carcasses, et tous les autres films de Côté d'ailleurs. Et pire encore, je n'avais pas lu avant aujourd'hui ces entrevues cannoises, Côté n'a donc pas pu m'endoctriner par ses mots savamment répétés, j'ai donc décidé TOUT SEUL d'aimer ça. Surprenant quand même.
Ce qui m'agace surtout, outre les invectives et la rage stupide, c'est cette idée que si vous, vous n'avez pas aimé ça, alors c'est certain que si les autres disent qu'ils ont aimé, ils mentent et se cachent derrière les mots de Côté, incapable que nous sommes de penser. D'accord, la critique des films de Côté est généralement pauvre et ne dit pas grand chose, mais c'est le cas de la grande majorité des critiques québécoises. Lussier de la Presse par exemple défend très mal Elle veut le chaos, soit, mais c'est pas parce qu'il peine à s'exprimer que ce qu'il a à dire est nécessairement faux. Pourquoi présumer qu'en fait il s'est emmerdé et qu'il ne veut pas le dire, pourquoi n'arrive-t-il simplement pas à dire ce qu'il a aimé exactement? C'est un critique ordinaire, mais il m'apparaît du moins honnête.
C'est comme cette idée d'ennui: la "dilatation extrême du temps" c'est pas une manière intello de dire qu'on s'emmerde, c'est un fait, tout simplement: le temps est dilaté dans les films de Côté. Maintenant, si ça vous emmerde, c'est bien possible, mais moi, ça m'allume, et je ne suis pas le seul. Dire qu'on s'ennuie en écoutant un film, ça ne veut rien dire, c'est même pas un début de critique, c'est la description d'un état personnel, et on en a rien à foutre: parlons du film. Qu'est-ce qui ennuie, ça c'est la question. Comme dire qu'un film est mauvais parce qu'il n'a pas de personnage, pas d'histoire: c'est un fait, il n'y a pas d'histoire dans Carcasses, ou peu, et alors? Il faut aller un peu plus loin quand même, si un film doit nécessairement avoir une histoire pour être bon, que faire de la carrière d'un Brakhage ou d'un McLaren par exemple? Pas d'histoire, c'est un choix, il faut analyser les conséquences de ce choix dans le film, pas sur nous spectateur: "ça m'emmerde quand y'a pas d'histoire", vous avez le droit, mais ne reprochez pas à un film sans histoire d'être un film sans histoire, c'est aussi con que de dire ce film est bon parce qu'il a une bonne histoire et de s'arrêter là.
Évidemment, c'est les propos de Côté qui choque plus que ses films ennuyants. Je suis moi aussi désolé en lisant ces entrevues, même si je comprends le sentiment: il ne fallait pas le dire, ou en tout cas pas comme ça. Mais Côté a toujours été grande gueule et provocateur, ce n'est donc pas si surprenant ces propos. Et cela n'enlève ou n'ajoute rien aux films: il peut bien dire ce qu'il veut sur ses propres films, ou sur ceux des autres, cela n'a rien à voir avec ce qu'il filme. Mailer et Burroughs étaient des salauds, ils n'en sont pas moins des grands écrivains.
Pour Helen, ce blogue n'a rien à voir avec son travail de critique. Un blogue, c'est personnel, elle pourrait passer son temps à ploguer ses amis et "être juste" avec les autres, on s'en fout. Le jour qu'elle ploguera Côté ou Ouellet dans le 24 Images, ce sera autre chose.
Quant à l'anonymat, c'est un faux débat qui déplace l'attention. D'ailleurs, entre anonyme et yvan ou d, je ne vois pas la différence, ça ne me dit rien de plus sur la personne qui écrit.
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