mardi, février 10, 2009
ALORS, POLYTECHNIQUE, ON EN PARLE?
C'est le succès sociologique du moment. Des records de box-office, des tribunes débordant d'opinions, des tonnes et des tonnes de questions...mais au fond, que vaut Polytechnique?
3e long de Denis Villeneuve, son plus abouti, son plus ambitieux aussi, le film reconstitue la tragique journée du 6 décembre 1989. L'intelligence d'un réalisateur d'une finesse et d'une pudeur admirables est là, dans chaque plan, chaque cadrage. La photo de Pierre Gill, jouant d'un noir et blanc âpre et rugueux soutient la démarche cathartique. Le son se démultiplie, nous enfermant encore davantage dans les couloirs de cette école où nous nous asphyxions avec les élèves. Le malaise est presque physique. Maxime Gaudette glace le sang. Sébastien Huberdeau assiste, impuissant, à la tuerie. Le choc est là. L'esprit se prend une claque dont il se relève plus riche. La blessure reste béante, mais le cinéma a fait sa part d'exorcisme.
Ca, c'est pour la première partie, morceau de cinéma mémorable aussi bouleversant qu'il est maîtrisé, s'achevant d'ailleurs par un des plans (une plongée, une voiture) les plus troublants des dix dernières années.
Pour la seconde, la donne change. Karine Vanasse devient le personnage principal et la suivant dans son drame, le récit s'embourbe dans un didactisme déplaisant et lourd. Le film se délite, les compromis de production s'affichent, la pensée se ratatine et la naïveté de la tentative d'apaisement exaspère. L'essai n'est qu'à moitié transformé. La blessure se rouvre.
3e long de Denis Villeneuve, son plus abouti, son plus ambitieux aussi, le film reconstitue la tragique journée du 6 décembre 1989. L'intelligence d'un réalisateur d'une finesse et d'une pudeur admirables est là, dans chaque plan, chaque cadrage. La photo de Pierre Gill, jouant d'un noir et blanc âpre et rugueux soutient la démarche cathartique. Le son se démultiplie, nous enfermant encore davantage dans les couloirs de cette école où nous nous asphyxions avec les élèves. Le malaise est presque physique. Maxime Gaudette glace le sang. Sébastien Huberdeau assiste, impuissant, à la tuerie. Le choc est là. L'esprit se prend une claque dont il se relève plus riche. La blessure reste béante, mais le cinéma a fait sa part d'exorcisme.
Ca, c'est pour la première partie, morceau de cinéma mémorable aussi bouleversant qu'il est maîtrisé, s'achevant d'ailleurs par un des plans (une plongée, une voiture) les plus troublants des dix dernières années.
Pour la seconde, la donne change. Karine Vanasse devient le personnage principal et la suivant dans son drame, le récit s'embourbe dans un didactisme déplaisant et lourd. Le film se délite, les compromis de production s'affichent, la pensée se ratatine et la naïveté de la tentative d'apaisement exaspère. L'essai n'est qu'à moitié transformé. La blessure se rouvre.
Comments:
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Je n'irais pas aussi loin que toi pour descendre la deuxième partie (dernier tiers?), mais c'est vrai que la première est beaucoup plus réussie.
La dernière scène en particluier, avec la voix off et tout, empêche presque à elle seule ce très bon film d'en être un grand.
Reste que c'est de loin le meilleur film de Villeneuve, comme tu le dis.
La dernière scène en particluier, avec la voix off et tout, empêche presque à elle seule ce très bon film d'en être un grand.
Reste que c'est de loin le meilleur film de Villeneuve, comme tu le dis.
J'ai beaucoup de difficulté à m'imaginer le contenu du film lorsqu'il dure 74 minutes et que l'on parle sans cesse de ses «deux parties».
J'y vais cette semaine, question de pouvoir dire : «quoi? t'as pas encore vu polytechnique? qu'est-ce tu fais man?»
J'y vais cette semaine, question de pouvoir dire : «quoi? t'as pas encore vu polytechnique? qu'est-ce tu fais man?»
Bien d'accord avec toi Helen, c'est la partie de "pure" fiction qui pose problème. Le message final n'est pas à la hauteur des attentes et fait sombrer le film dans une mièvrerie plutôt banale. Cela étant dit, il faut reconnaître que si ce film est une réussite technique avec l'une des plus belles photographie du cinéma québécois, les auteurs n'avaient pas vraiment de liberté d'action pour ce scénario. Tes mots "compromis de production" sont ceux qui résument le mieux Polytechnique.
Je suis peut-être sévère avec la deuxième, mais honnêtement, ça m'a tellement déçue. Parce que cette première partie portait de tels espoirs, parce qu'enfin, le cinéma québécois se livrait adulte et réfléchi, parce qu'on n'avait pas peur de l'abstraction, du symbolisme. C'était très grand. Et, un peu comme si on m'avait servi du Kraft après du caviar, ma déception a probablement débordée sur toute la 2e partie, et pas seulement le dernier tiers...
Jason, tu vas voir bientôt de quoi on parle!
Jason, tu vas voir bientôt de quoi on parle!
Je crois comme toi Helen, il y a là une très belle occasion ratée de laisser l'espoir naître tout seul du mouvement de décomposition. Pour comparer avec un film que tu aimes beaucoup, dans la Graine et le mulet, Kechiche garde l'intensité en laissant le processus de décomposition se poursuivre jusqu'à la toute fin, moment où point alors une note d'espoir. L'équipe de Polytechnique rate complètement ça à mon avis.
Dans un de ses cours, Deleuze explique ça de très belle façon. Permettez que je lui fasse un peu de place dans les commentaires.
«Dégagez le facteur intensif, c’est-à-dire le facteur lumineux du mouvement. Saisissez-le comme intensif. Donc dans son rapport avec la matière nue, avec la matière nue qui elle, est le degré zéro de l’obscurité. Tout le mouvement va être qualifié comme mouvement de décomposition. C’est-à-dire comme le mouvement de la chute d’une âme. Comment perdre son âme c’est la leçon de ce premier aspect de cet expressionnisme et tout y passe toute la mythologie que vous voulez sur la perte de l’âme, là trouve toute sa justification concrète et pratique. Seulement voilà, voilà que ce n’était qu’un aspect car toutes les choses ne peuvent pas si mal finir. Ce n’était qu’un aspect. C’était qu’un aspect parce que.. parce que sauf dans quelques cas - on peut se contenter de cet aspect. Ça peut faire des choses admirables, formidables encore une fois, il n’y a pas besoin d’autre chose.
Un processus de décomposition parfait, c’est un chef-d’œuvre mais je crois que ça se passe jamais comme ça. Il n’y a jamais d’œuvre désespérées vous savez hein. Euh L’art même implique tellement un appel à la vie, ne serait-ce qu’à la vie non organique et c’est quand même de la vie, il n’y a pas d’œuvre de mort. Parfois il y a l’air d’en avoir, mais les œuvres de mort, c’est toujours ....On sait ce que c’est ça vaut rien, ça vaut rien c’est de tristes et pauvres œuvres. Ça n’existe pas. Alors je veux pas dire il faut un message d’espoir, j’ai pas besoin de mettre un message d’espoir. Bien que aussi ça peut se passer comme ça, un message d’espoir, ben oui il faut le dire toujours dans une œuvre, allez y les gars, c’est bien tout ça. Euh sinon, ça vaut pas la peine hein, ça vaut pas la peine parce que finalement si c’est pour pleurer comme on ne pleure jamais si vous voulez que sur soi-même, ça donne le pire, ça donne des petites œuvres narcissiques de dégoutation quoi, pas la peine.
Mais je dis c’est pas la peine de ....un message d’espoir encore que souvent ça convienne dans une œuvre. Il n’y a pas de grande œuvre, à mon avis qui ne contiennent ce formidable message d’espoir. Et parfois qui le contiennent d’autant moins que il est pas explicitement dit, mais il est mieux que ça, il est formulé. Il est là, il est comme gravé à travers les lignes. Et alors j’ai l’air de contrebalancer mais vous vous corrigez, tout ça, ça ne fait qu’un - car dans beaucoup de ces films, c’est quoi ? ça peut prendre l’air même d’un espoir purement ironique.»
Dans un de ses cours, Deleuze explique ça de très belle façon. Permettez que je lui fasse un peu de place dans les commentaires.
«Dégagez le facteur intensif, c’est-à-dire le facteur lumineux du mouvement. Saisissez-le comme intensif. Donc dans son rapport avec la matière nue, avec la matière nue qui elle, est le degré zéro de l’obscurité. Tout le mouvement va être qualifié comme mouvement de décomposition. C’est-à-dire comme le mouvement de la chute d’une âme. Comment perdre son âme c’est la leçon de ce premier aspect de cet expressionnisme et tout y passe toute la mythologie que vous voulez sur la perte de l’âme, là trouve toute sa justification concrète et pratique. Seulement voilà, voilà que ce n’était qu’un aspect car toutes les choses ne peuvent pas si mal finir. Ce n’était qu’un aspect. C’était qu’un aspect parce que.. parce que sauf dans quelques cas - on peut se contenter de cet aspect. Ça peut faire des choses admirables, formidables encore une fois, il n’y a pas besoin d’autre chose.
Un processus de décomposition parfait, c’est un chef-d’œuvre mais je crois que ça se passe jamais comme ça. Il n’y a jamais d’œuvre désespérées vous savez hein. Euh L’art même implique tellement un appel à la vie, ne serait-ce qu’à la vie non organique et c’est quand même de la vie, il n’y a pas d’œuvre de mort. Parfois il y a l’air d’en avoir, mais les œuvres de mort, c’est toujours ....On sait ce que c’est ça vaut rien, ça vaut rien c’est de tristes et pauvres œuvres. Ça n’existe pas. Alors je veux pas dire il faut un message d’espoir, j’ai pas besoin de mettre un message d’espoir. Bien que aussi ça peut se passer comme ça, un message d’espoir, ben oui il faut le dire toujours dans une œuvre, allez y les gars, c’est bien tout ça. Euh sinon, ça vaut pas la peine hein, ça vaut pas la peine parce que finalement si c’est pour pleurer comme on ne pleure jamais si vous voulez que sur soi-même, ça donne le pire, ça donne des petites œuvres narcissiques de dégoutation quoi, pas la peine.
Mais je dis c’est pas la peine de ....un message d’espoir encore que souvent ça convienne dans une œuvre. Il n’y a pas de grande œuvre, à mon avis qui ne contiennent ce formidable message d’espoir. Et parfois qui le contiennent d’autant moins que il est pas explicitement dit, mais il est mieux que ça, il est formulé. Il est là, il est comme gravé à travers les lignes. Et alors j’ai l’air de contrebalancer mais vous vous corrigez, tout ça, ça ne fait qu’un - car dans beaucoup de ces films, c’est quoi ? ça peut prendre l’air même d’un espoir purement ironique.»
Bon, pour peu que ça ait de l'importance, il y a une erreur dans l'adresse du cours retranscrit.
La bonne: http://www.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=82
La bonne: http://www.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=82
pas vu encore, mais la question qui me brule les lèvres...pourquoi personne n'ose le comparer au elephant de van sant...qu'est-ce que polytechnique peut bien apporter de plus à ce genre d'évènement?
Honnêtement, la référence à Elephant ne serait pas pertinente. Sauf pour quelques plans de déambulations dans les couloirs, ni la construction, ni la démarche, ni rien ne se ressemblent. Par contre, United 93, de Greegrass est déjà beaucoup plus dans la même lignée. C'est une reconstitution à vocation cathartique, pas une méditation existentielle sur la violence...
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