mercredi, avril 02, 2008

 

Chacun cherche son critique

C'est toujours comme ça avec les nouvelles: le bon et le moins bon, la figue et le raisin.

On commence par le moche. J'avais déjà ici exprimé mon amour inconditionnel pour M. Nathan Lee, critique intelligent, virulent, vivant du Village Voice.

Et bien, la semaine dernière, on apprenait que le brave homme avait été tout simplement viré par Village Voice Media, qui représente une chaîne d'hebdo "alternatifs" à travers les États-Unis. Viré. Comme ça. Sans gants blancs ni trompettes. M. Lee, si jamais vous passez par là, sachez-le: je lisais chaque mercredi mon Village Voice pour vous lire. Je me nourrissais à vos articles. Je suis maintenant comme une âme en peine qui cherche son critique....

Le "bon" côté de la chose est néanmoins cet article dans le New York Times qui analyse avec pertinence la récente vague de licenciements de critiques (l'ami Lee n'est pas le seul) et qui, surtout, s'amuse à rappeler pourquoi la critique, la vraie, a son importance. Du petit lait.

"Losing critics for serious film is like taking away the padding on the crutches of a very sick man with two broken legs and one working eye,” he wrote in an e-mail message. “It’s not going to keep it from limping along, but yeah, it hurts like hell.”

Les choses seraient-elles doucement en train de changer?

Comments:
Inciter la réflexion chez les gens, c'est tellement milieu XXe siècle de toute façon. On se rappelle que dans le métro de Montréal sont distribués DEUX hebdomadaires gratuits (Métro et 24 heures) qui se vantent d'être "lus en 12 minutes". Les gens ont mieux à faire. Comme tousser.
 
Après Denis C., Helen F... Nathan Lee - pour une fois qu'on est en avance sur les Américains, faut que ce soit dans cette triste catégorie !
 
dans la presse aujourd'hui:

Le client a toujours raison; l’adage n’a jamais été plus vrai qu’aujourd’hui. Je me rappelle avoir eu une discussion avec Alexis Durand-Brault, le réalisateur de Ma fille, mon ange, qui disait consulter avec bien plus d’intérêt les commentaires des internautes sur des sites comme CinémaMontréal que ceux des journalistes. Après tout, c’est pour le peuple qu’il fait des films, non?

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on adore!
 
Quelle tristesse!

Deux poupounes siliconées et un groupie "genre" urbain qui, attendent la vedette, pardon, l'ARTISTE, pour savoir si elle a mis du beurre sur son pop-corn et si sa visite chez Ikea s'est bien déroulée, occupent présentement un métier noble qu' on appelait autrefois chroniqueur culturel avec un sens critique.

Mais le plus éprouvant, c' est d' entendre présentement sur les ondes de TOUS réseaux télévisuels confondus et même au 95,1 (quelle honte) ce type de commentaire:

"Alors cette semaine, grosse sortie week end dans vos gros cinéma avec telle merde prenant l'affiche avec tel mauvais acteur sans talent, réalisé par tel réalisateur et produit par Dieu lui-même. Je n'ai PAS VU le fim encore, mais les critiques sont supposement bonnes.".

Ha oui? Lesquelles?

Merci aux français, anglais et certains américains (et oui, c'est difficile à admettre mes c'est la triste réalité) de toujours s'intéresser avec passion, rigueur et sens critique à cet art, qui jusqu' à aujourd'hui, est toujours le 7ième.
 
Raf : à quel article de La Presse fais-tu référence ?
 
Aaaah. J'ai trouvé.

http://blogues.cyberpresse.ca/moncinema/siroka/?p=130
 
Des voix s'éteignent pour la réflexion critique,faisant place aux clairons de l'abrutissement.
Soupir.
 
Le licenciement de Nathan Lee est désolant, de même que l’hostilité grandissante des médias écrits envers la critique et la diversité des points de vue.

Cela dit, je ne partageais pas du tout l’enthousiasme d’Helen Faradji pour le travail « alternatif » de M. Lee, version américaine d’une certaine critique française. Permettez-moi d’être las de cette école de pensée qui se veut radicale, mais qui s’avère au fond très bourgeoise.

Les disciples internationaux des Inrockuptibles, des Cahiers du cinéma des années 2000 et tutti quanti (je ne parle pas d’Helen Faradji) devraient sortir un peu du monde parisien et lire non seulement les livres de Robin Wood, mais aussi des critiques aussi rafraîchissants qu’Armond White du New York Press et surtout le remarquable David Walsh du World Socialist Web Site (en ligne).

Vrai par contre que ces critiques, surtout le dernier, démolissent une à une les idoles de la cinéphilie branchée… Walsh est l’un des rares critiques, par exemple, à s’être attaqué à In the Mood for Love.
 
Je viens de lire deux critiques de Walsh sur World Socialist Web Site et, jusqu'à présent, je considère qu'il se concentre justement trop sur « le social » d'un film.

« In the Mood for Love begins in 1962. Why (aside from the fact that Wong, born in Shanghai in 1958, was a child in Hong Kong at the time)? [...] The director devotes attention to the clothes, the decor and other secondary matters, but virtually none to the larger issues of the history or even the social psychology of the area. This would have been only 13 years after the Maoist taking of power on the mainland, Hong Kong remained a British colony. What do we learn about any of that, directly or indirectly? This is a film for those who find events such as wars and revolutions and their consequences simply inconveniences. »

Même s'il a raison sur plusieurs points, dans les deux critiques il dérape sur le manque de considération de l'Histoire avec un grand H, pour des raisons qui me semblent encore, et avec raison, obscures.

Je le mets dans mes liens quand même.
 
Cher Jean-François

Bienvenue sur ATC et merci de ces nouvelles références. Je dois avouer, je ne connaissais pas. Je suis allée lire Walsh, notamment sur There will be blood
http://www.wsws.org/articles/2008/feb2008/ther-f06.shtml
Je suis assez d'accord avec lui. Le film d'Anderson me paraît comme lui un peu foutoir, très bien fait, mais manquant singulièrement d'âme et de spontanéité. Le deus ex machina dans toute sa splendeur.

Ceci étant dit, sa critique manque pour moi de ce que j'appellerais une certaine qualité littéraire. Et c'est, au delà des résonances idéologiques, ce que j'aimais chez Lee. La vivacité de son écriture, son évident plaisir à écrire, sa fougue. Ca aussi, c'est important dans une critique.
Mais je lirai désormais Walsh et ses petits pavés dans la mare!
 
cher Jason,

j’ai eu plus ou moins la même réaction que toi, il y a quelques années, en découvrant les articles de Walsh. C’était avant que mes études en philosophie et en histoire de la critique littéraire et cinématographique me fassent changer d’avis.

Plusieurs lecteurs de Walsh lui ont reproché de trop se concentrer sur le «social» dans sa critique de In the Mood for Love. Il leur a répondu à deux reprises et de manière assez magistrale.

Je te conseille d’aller lire ses réponses, si ce n’est déjà fait. Walsh est loin de «déraper» pour des «raisons obscures»; il ne fait que s’inscrire dans une tradition critique subversive qui était largement répandue, il y a un siècle (voir Zola, Wilde et Menken, mais aussi Plekhanov, Voronsky, Trotsky) avant que la démoralisation, le cynisme et la soi-disant fin des utopies n’empoisonnent la vie intellectuelle.

Voici les liens menant aux réponses de Walsh :

http://www.wsws.org/articles/2001/may2001/corr-m21.shtml

http://www.wsws.org/articles/2001/may2001/corr-m30.shtml

cordialement
 
chère Helen,

je vous remercie grandement pour le chaleureux accueil. Je n’ai pas l’habitude d’écrire aux blogueurs, mais en lisant votre dernière «entrée», j’ai cru bon de faire connaître ces critiques qui secouent l’académisme de la profession.

Le livre de Robin Wood, Hollywood from Vietnam to Reagan, est un incontournable pour comprendre la dégénérescence du cinéma américain post-1980. De même que les articles d’Andrew Britton (décédé en 1994) pour CineAction.

L’iconoclaste Armond White est aussi à découvrir, ne serait-ce que pour son goût de la polémique.

Je ne vois pas en quoi l’article de Walsh manquerait en «qualité littéraire», en «vivacité» ou en «fougue». Je spécule un peu, mais en tout respect, votre réaction m’apparaît assez conditionnée par une certaine idée contemporaine de ce que doit être la qualité littéraire, une idée qui se défend peut-être, mais qui n’est pas la mienne.

Je ne voudrais pas passer pour un fan éperdu de Walsh, mais je considère son travail, de même que celui d’autres rédacteurs du WSWS, dont sa femme Joanne Laurier, trop important pour être ignoré comme il l’est actuellement.

La dramaturge John Steppling, aussi scénariste de Animal Factory, a reconnu l’importance de Walsh en l’invitant à participer à une série d’échanges pour le webzine radical Swans Commentary. La hauteur de vue de leurs observations est assez stupéfiante.

http://www.swans.com/library/art11/jsdw01.html

Il faut lire Walsh.

Ses comptes rendus annuels des festivals de Toronto, de Vancouver et de San Francisco sont toujours éclairants.

Il est aussi l’auteur de la meilleure analyse que je connaisse de la controverse entourant l’attribution d’un Oscar honorifique à Elia Kazan.

Mais il y a plus. Je pense à ses nécrologies, notamment celles consacrées à Katharine Hepburn, Robert Bresson, Marlon Brando ou, plus récemment, Jules Dassin et Charlon Heston.

Et, bien sûr, il y ses critiques.

Qu’elles soient positives (The House of Mirth, Gosford Park, Crimson Gold) ou négatives (Kill Bill part II, les derniers Scorsese et Michael Mann, Mystic River et Million Dollar Baby, Elephant, The Passion of the Christ, Caché, Knocked Up, Sicko, etc.), elles sont toujours à des kilomètres du délire esthético-littéraire d’un critique parisien comme Jean-Marc Lalanne. Et aussi de la tradition honnête mais assez désarçonnée de grands noms comme Michel Ciment, Michel Boujut ou du nouveau retraité Jonathan Rosenbaum.

Ses papiers sur les films d’Abbas Kiarostami, d’ailleurs, lui ont valu les remerciements du cinéaste lui-même. Et c’est sans compter ses incursions en théâtre, en littérature, en politique ou en critique des médias.

Il faut le lire, donc. Et d’autres, notamment le blogueur marxiste Louis Proyect.

Que seraient les études cinématographiques et la critique si, plutôt que de s’en tenir aux dogmes actuels, elles assimilaient l’oeuvre de ces éclaireurs ? Peut-être, en tout cas, n’aurais-je pas abandonné mes études universitaires en cinéma, exaspéré par le climat ambiant.

bien à vous
 
Continuez d'écrire ici, vous me faites grincer des dents.
 
@Jason Béliveau

Ciel, déjà ? Sur un blogue consacré à la pensée indépendante et à la critique du consensus ?!
 
C'était une remarque positive, du genre : vous me faites réagir violemment et c'est sain, alors continuez.
 
Et, en passant, ne pas être d'accord avec vous ou Walsh ne veut pas dire être du côté du consensus, on s'entend.
 
@Jason Béliveau

Bien sûr...

Je voulais seulement que vous précisiez votre pensée. L’expression «grincer des dents» pouvait porter à confusion.

Pour le reste, personne ne détient le monopole de la vérité, même si c’est le rôle des critiques (et des artistes!) de la chercher.

L’année dernière, par exemple, j’ai entendu très peu de voix s’élever contre le film assez bancal des frères Coen. Cela en dit long sur l’incurie de la critique cinématographique.
 
Tu n'as même pas besoin de «poster» Helen, et on réagit. :-)

Je suis surpris de voir que des critiques analysent encore aujourd'hui les films avec une approche socialiste (puriste en plus). Mon opinion va dans le même sens que celle de Jason, je trouve cela extrêmement réducteur et j'ajouterais assez inutile dans la plupart des cas. Pourquoi s'attendre à ce que tous les réalisateurs s'attaquent de front aux problèmes sociaux comme l'aurait fait Brecht ou Eisenstein? On peut critiquer l'approche sociale d'un cinéaste comme Loach puisque c'est manifestement son intention de soulever des problèmes de cet ordre, mais dans le cas de In the Mood for Love, je ne vois pas le rapport. Un film de Brakhage passe-t-il la grille d'analyse socialiste? Poser la question serait absurde dès le départ.

Et que veulent ces critiques au juste, participer à l'éducation des masses, leur montrer que le cinéma ne devrait avoir qu'un but unique, l'abolition des différences de classes et la fin de l'Histoire? Et puis pourquoi encore et toujours chercher la finalité dans le cinéma? Est-ce qu'une sculpture, une peinture, un morceau de musique doit obligatoirement comporter une remise en contexte historique et sociale? Non. Alors pourquoi le cinéma?

Ceci dit, c'est une découverte intéressante et je lirai plusieurs textes, peut-être que je changerai d'idée, qui sait.
 
cher Antoine,

c’est le discours favori de la droite que de prétendre que le socialisme est dépassé et que seule la gauche est idéologique. Selon la droite, seule la gauche a une « grille d’analyse»; seule la gauche est « réductrice ». Je ne connais pas vos allégeances politiques, Antoine, mais vos arguments, transposés au domaine politique, sont les mêmes qu’utilisent les Lucides pour répandre leur vision soi-disant « objective » de l’économie et de la société.

David Walsh est un critique socialiste. Et alors? Êtes-vous un défenseur si ardent du capitalisme que toute forme d’opposition, même dans une critique de film, vous apparaît inacceptable ?

Qui a parlé d’exiger des réalisateurs qu’ils «attaquent de front » les « problèmes sociaux»? Où avez-vous lu qu’une critique socialiste équivalait à appliquer bêtement une « grille d’analyse socialiste » sur un film ? Qui diable a prétendu que le cinéma ne devait avoir comme but que « l'abolition des différences de classes et la fin de l'Histoire » ? Ou de chercher « la finalité dans le cinéma » ?

Il y a un tout un monde entre chercher et analyser les racines sociales d’une œuvre d’art, ce que fait un critique comme Walsh, et mélanger art et politique, ce dont il n’est pas question ici.

(En passant, des expressions comme « fin de l’Histoire » ou « finalité » n’ont rien à voir avec le socialisme : la société communiste, telle que pensée par Marx, devait constituer le début de l’histoire authentiquement humaine.)

Le meilleur argument pour contrer vos accusations est le splendide manifeste rédigé par André Breton et le socialiste Léon Trotsky en 1938 : Pour un art révolutionnaire indépendant.

En voici un extrait :

« Le libre choix de ses thèmes et la non restriction absolue en ce qui concerne le champ de son exploration constituent pour l'artiste un bien qu'il est en droit de revendiquer comme inaliénable. En matière de création artistique, il importe essentiellement que l'imagination échappe à toute contrainte, ne se laisse sous aucun prétexte imposer de filière. A ceux qui nous presseraient, que ce soit pour aujourd'hui ou pour demain, de consentir à ce que l'art soit soumis à une discipline que nous tenons pour radicalement incompatible avec ses moyens, nous opposons un refus sans appel et notre volonté délibérée de nous en tenir à la formule : toute licence en art.

De ce qui vient d'être dit, il découle clairement qu’en défendant la liberté de la création, nous n'entendons aucunement justifier l'indifférentisme politique et qu'il est loin de notre pensée de vouloir ressusciter un soi disant art « pur » qui d'ordinaire sert les buts plus qu'impurs de la réaction. Non, nous avons une trop haute idée de la fonction de l'art pour lui refuser une influence sur le sort de la société. Nous estimons que la tâche suprême de l'art à notre époque est de participer consciemment et activement à la préparation de la révolution. Cependant, l'artiste ne peut servir la lutte émancipatrice que s'il s'est pénétré subjectivement de son contenu social et individuel, que s'il en a fait passer le sens et le drame dans ses nerfs et que s'il cherche librement à donner une incarnation artistique à son monde intérieur.»

Il y aurait encore beaucoup à dire, mais je m’arrêterai ici.

Je vous conseille d’aller relire la critique de In the Mood for Love en laissant vos préjugés de côté. Non seulement répond-elle à vos objections, mais elle démonte surtout un film vide et prétentieux qui participe de ce qu’un rédacteur du Monde Diplomatique appelait un « cinéma d’esthète, racontant des histoires de couple stylisées, dépouillées de toute psychologie et taciturnes. » Il ajoutait : « Dire que ce cinéma haut de gamme très prisé véhicule un académisme qu’on retrouve chez beaucoup de réalisateurs cannois en vogue n’a pas bonne presse. »

cordialement
 
Le problème avec la critique purement sociale d'une oeuvre d'art, c'est qu'elle passe souvent à côté de son langage esthétique pour ne se consacrer qu'à sa narration, à sa psychologie, qui dans certaines oeuvres ne sont que secondaires. In the mood for love en serait un exemple: l'émotion esthétique prime sur toute psychologie, et il en résulte, effectivement, un film d'esthète, mais n'est-ce pas là, aussi, une méthode d'expression artistique valable?
Le problème, en fait, est celui de la forme et du fond. Pour M. Walsh, sans aucun doute, le fond est tout. Ses textes comportent tous de longs résumés narratifs, et très peu d'indication de mise en scène. Il s'attarde aux événements, aux personnages, mais rarement à la façon dont ils nous sont présentés. Les critiques actuels, au contraire, préfèrent un style audacieux, personnel, quitte à ce que la narration, ou l'idéologie soutenue, soit confuses, ou simplement inexistantes. L'emportement de tous les critiques américains devant There Will Be Blood, et le dédain de Walsh, en est symptomatique: les premiers adhèrent totalement au souffle visuel puissant qui traverse l'oeuvre, sans se soucier de la totale confusion idéologique, du refus apparent d'aborder les thèmes pourtant essentiels superficiellement abordés, ce qui agace profondément Walsh, nostalgique de ce temps où le cinéma était véritablement social, où la mise en contexte de l'action était primordiale, où l'oeuvre était soutenue, avant tout, par des acteurs aux prises dans des dilemmes profonds, plutôt que par une facture esthétique soignée, inventive. La sur-esthétisation d'une oeuvre d'art, de plus en plus fréquent dans ce bon vieux monde post-moderne, entraîne certainement un détachement de l'oeuvre, la plaçant hors de son contexte social, afin qu'elle soit évaluée non plus face à la réalité que, en général, l'art tente de dépeindre, mais plutôt face aux oeuvres qui la précède (d'où, d'ailleurs, cette surenchère de jeux de mots bidons et de comparaisons esthétiques, obligatoires à toute critique moderne digne de ce nom).
Il me semble, quant à moi, que les deux voies sont viables, et non-exclusives. Est-ce si important que dans In the mood for love la psychologie d'un personnage soit fade, si le simple mouvement de caméra ou jeu de lumière suffit à nous faire frémir? La critique actuelle tombe peut-être trop facilement gaga devant un mouvement de caméra surprenant, mais de refuser de voir ces mouvements, c'est rester aveugle devant ce qui, après tout, fait que le cinéma est cinéma (et, comme disait Antoine, comment alors justifier l'existence des petits chef d'oeuvres de Brakhage?)
 
cher Sylvain,

Je n’ai pas beaucoup de temps pour développer mes idées ce soir, alors je serai bref.

Il est faux de prétendre, comme vous le faites, que pour un critique comme Walsh, le fond prime sur la forme. Il suffit de le lire pour être convaincu du contraire. Si vous avez cette impression, c’est sans doute que la grande majorité des critiques contemporains donnent soit dans le formalisme, soit dans l’expression de leurs ressentis, et ce sans jamais se demander si les images qu’ils voient sur l’écran correspondent à la réalité objective.

Comment expliquer, par exemple, que tant de critiques intelligents prennent au sérieux les films de Lars von Trier ou qu’ils trouvent «formellement jouissif» l’atroce Kill Bill de Tarantino ? Ces films sont objectivement médiocres et c’est le signe d’une profonde crise que des intellectuels soient incapables de s’en rendre compte.

Vous comparez une approche post-moderne et autoréférentielle de l’art à un ancien cinéma social avec des «acteurs aux prises dans des dilemmes profonds». Permettez-moi de dire que non seulement la première approche est un cul-de-sac (un art qui ne se réfère qu’à lui-même est un art mort), mais aussi que votre définition du second est une caricature : le meilleur art «social» du passé était loin d’être dépourvu d’une esthétique soignée et inventive (je pense à Touch of Evil). J’ajouterais qu’aucune œuvre d’art, post-moderne ou non, ne peut être placée «hors de son contexte social». C’est une illusion que de croire le contraire.

Les critiques de Walsh sont loin d’être exhaustives et définitives; elles ne font que souligner la pauvreté du discours actuel sur le cinéma et offrir des premières pistes de réflexion.

Pour terminer, quelques commentaires. Je n’ai pas trouvé que le film de Anderson était traversé par un souffle visuel puissant. Au contraire, j’ai trouvé que le style était boursouflé et qu’il servait à dissimuler l’inanité de l’ensemble.

Les mouvements de caméra et les jeux de lumière dans In the Mood for Love ne m’ont pas fait frémir. J’ai du mal à frémir quand un mouvement de caméra ou un jeu de lumière ne supporte pas une idée. Dans le film de Wong Kar-wai, il n’y a pas d’idées, ou alors elles sont banales.

Brakhage ? Permettez-moi de le trouver largement surestimé. Il fut un temps où l’avant-garde portait en elle la subversion. De nos jours, elle se résume trop souvent à une recherche arbitraire d’originalité.

bien à vous,
 
Ouf, quel débat, mes amis...

J'abonderai dans le sens de Jean-François dans la mesure où j'aime aussi qu'un critique porte fièrement ses lunettes (qu'elles soient socialistes, féministes ou n'importe quel -iste). Par contre, il est important de se rappeler en les lisant que justement, ils portent des lunettes et qu'à travers leur analyse, c'est aussi leur vision du monde qu'ils défendent (voire imposent).

Ce qui me chicote, chez Walsh (et que plusieurs ont souligné), c'est plutôt cette façon qu'il a de rendre la mise en scène accessoire. Comme si un mouvement de caméra ne pouvait pas être à lui seul essentiel. L'émotion esthétique qu'il peut réussir à faire naître (le plan-séquence chez Van Sant ou Sokurov) permet au contraire, selon moi, de rendre le spectateur "disponible", d'accroître sa sensibilité pour qu'il puisse se laisser toucher par le discours que porte le film.
Parfois, Walsh, de ce que j'ai lu, passe à côté de cette dimension. Son analyse est extrêmement intéressante et saine, mais comme Jean-François le dit, elle n'est pas exhaustive. Et ce qu'elle laisse de côté peut être cherché ailleurs

Sur ce, je pars travailler sur ma thèse (le pourquoi du comment je ne poste plus aussi souvent)....sur les Coen et Tarantino, cher Jean-François :)
 
Bien sûr que j'émets des préjugés. Quand j'aurai lu assez de textes pour avoir une opinion éclairée sur le sujet, ce billet d'Helen et les commentaires seront oubliés. J'en suis donc au stade des préjugés, des craintes, des appréhensions, des questions.

Ce que je crains et qui m'agace le plus, c'est l'obsession pour l'analyse sociale. Ce que je défends, c'est mon idée du cinéma et de sa critique, et non pas de la droite ou du capitalisme. Je pense que le cinéma, comme tout art, peut et doit être analysé sous divers angles et que parfois un film particulier se prête davantage aux uns plus qu'aux autres.

Je serai très agacé, par exemple, si on passe Sokourov à tabac parce que ses films ne sont pas assez dénonciateurs et sociaux.

Le temps me manque aussi, je vous reviens dès que possible. :-)
 
j-f renaud a dit vraiment plein d'excellentes choses, puis s'est égaré le temps d'une parenthèse quelque part entre Trotsky et Breton.

On souligne les réflexes de droite (peut-être à juste titre) mais on oublie de révéler les siens : sortir la petite menace du "discours favori de la droite" dès qu'on ose poser une question, voilà le petit lapin culpabilisateur qu'on sort de son chapeau quand ça nous arrange. Idem lorsqu'on brandit le "capitalisme" à tout crin (comme si on demandait "Es-tu pour ou contre les Nazis?", façon polie de dire "Ta gueules")

Après ce très juste constat : "Il fut un temps où l’avant-garde portait en elle la subversion. De nos jours, elle se résume trop souvent à une recherche arbitraire d’originalité." (mais quel rapport avec Brakhage qui a commencé il y a plus de 50 ans?), voici qu'on tombe dans l'art et la révolution, prémisse suprême de ce conformisme qui fait le miel de cette armée de néo-rebelles indifférenciés qui continuent de soumettre l'art à toutes leurs lubies.

Bien sûr on peut "chercher et analyser les racines sociales d’une œuvre d’art", mais l'oeuvre d'art en tant que telle doit aller bien ailleurs peu importe ce qu'elle transporte avec elle et les considérations qu'elle suscite en dehors de ce qu'elle est. Je n'ai pas lu Walsh, peut-être n'est-il pas là, mais je renie en profondeur cette mode qui consiste à tout regarder (ou analyser, ou intellectualiser) toutes choses en fonction d'un rapport dominé/dominant qui convient peut-être à l'idéal révolutionnaire mais n'a jamais produit quoi que ce soit de valable en art. Et qui donne lieu a des pratiques pourries, du genre évoquer la "misogynie" de Woody Allen dans un torchon du Monde diplomatique. En termes plus politiques, lire l'intervention magnifique de Pasolini au congrès du Parti radical, tout est là.

Antoine faisait bien de le souligner, me rappelant immédiatement la définition de la misomusie par Kundera et sur laquelle je termine because 24 heures dans une journée : "Ne pas avoir de sens pour l'art, ce n'est pas grave. On peut ne pas lire Proust, ne pas écouter Schubert, et vivre en paix. Mais le misomuse ne vit pas en paix. Il se sent humilié par l'existence d'une chose qui le dépasse et il la hait. Il existe une misomusie populaire comme il y a un antisémitisme populaire. Les régimes fascistes et communistes savaient en profiter quand ils donnaient la chasse à l'art moderne. Mais il y a la misomusie intellectuelle, sophistiquée : elle se venge sur l'art en l'assujettissant à un but situé au-delà de l'esthétique. La doctrine de l'art engagé : l'art comme moyen d'une politique. Les théoriciens pour qui une œuvre d'art n'est qu'un prétexte pour l'exercice d'une méthode (psychanalytique, sémiologique, sociologique, etc.). La misomusie démocratique : le marché en tant que juge suprême de la valeur esthétique."
 
@helen

Voilà, Walsh porte fièrement ses lunettes, ce qui nous change de ceux qui ne voient plus les leurs.

Je ne dirais pas, par contre, qu’il rend la mise en scène accessoire. Seulement, il s’intéresse à ce qu’elle dit. Est-ce nouveau ? Est-ce beau ? Est-ce profond ? Et surtout, cette question essentielle : est-ce vrai ?

Combien de critiques discutent ad nauseam des mouvements de caméra et autres éléments de la « mise en scène » de Mystic River sans s’arrêter une seconde à réaliser la fausseté et l’absurdité de l’ensemble ?

Godard disait que le travelling est affaire de morale… C’est faux, en fait, et la critique littéraire russe du XIXe siècle avait déjà démonté ce genre de maximes. André Breton avait vu plus juste en rappelant que le lyrisme n’est toujours que le développement d'une protestation, ou non cette protestation même. Or, l’art est toujours une protestation.

Ah oui : je connaissais le sujet de votre thèse. Évidemment, je provoque un peu ! Je me garderai par contre de commenter les derniers films de Van Sant ou Sokourov…

Bonne rédaction !
 
Cher sg

bien noté. Je vais me taire un instant, question d’arrêter de m’égarer, de sortir le petit lapin culpabilisateur (vous vous sentez coupable de quelque chose ?), de brandir le capitalisme à tout crin, de critiquer l’inanité de nos « avant-gardes » contemporaines, de parler de révolution, d’être un néo-rebelle qui veut soumettre l'art à toutes mes lubies, d’être obsédé par le rapport dominé/dominant qui, de toute façon, n’a jamais produit quoi que ce soit de valable en art, de crier « Ta gueule! », d’être à ce point conformiste, etc.

C’est vrai, quoi, l’art se porte très bien et la société aussi.

Quant à la citation de Kundera, dont je connais l’œuvre par cœur en passant, elle vous concerne, mon cher ami…

Les autres iront lire le manifeste Breton/Trotsky et constateront qu’il dénonce justement les travers dont parle notre cher Milan.

cordialement
 
euh... "Miroir?". On est dans une cour d'école ou bien quoi? Non parce que je suis bon là-dedans, on peut y aller si vous voulez.

Mais avant il faudrait d'abord savoir départager entre d'une part ce que je dis et qui est en lien direct et concret avec vos propos, et, d'autre part, sur des réflexions plus générales dont je n'ai pas dit qu'elles vous concernaient forcément. D'ailleurs j'ai même souligné que je trouvais beaucoup de vos réflexions valables, c'est tout dire.

Je crains que vous ne réagissiez sur une question d'égo avant tout, comme le manifeste votre réponse qui se base sur le fait que j'ai osé mettre en doute vos rodomontades révolutionnaires (vous avez lu Kundera, oui mais il fallait tenir les livres à l'endroit si j'ose dire, la page 4 après la page 3, etc.). Je réponds à votre niveau, non? En parlant de Breton, vous pourriez relire ce que Kundera disait de sa fameuse maison de verre à partir du mot "transparence" (Folio, p. 181) ou encore sur un certain manifeste surréaliste à partir du mot "vie"... Ou "La vie est ailleurs" au complet et ce que le monsieur évoque à propos du lyrisme révolutionnaire. Ou encore sur l'automatisme, etc. (par coeur?). Autrement, je pourrais avoir l'idée folle d'envisager le début d'une pointe de confusion dans vos références....

De plus vous abondez encore dans mon sens lorsque vous posez à nouveau la question du "Est-ce que j'ai quelque chose à me reprocher?". Entourloupette.com... C'est précisément ce que je disais. Mais je crois que ça vous a échappé, ou alors j'imagine que ça vous arrange de faire du slalom. Chacun son sport.

Bon finalement on apprend - puisque vous nous l'annoncez comme quelque chose d'essentiel dans le débat - que "vous connaissez Kundera PAR COEUR"? Hmm... Pendant que je vais vous chercher un os, peut-être pourriez-vous songer à une réponse un peu moins basée sur l'affect? Parce-que là franchement ça ressemble à une réplique de cégepien qui vient de découvrir Breton et les bases de la critique moderne et s'en vient s'étaler en public plutôt que de réellement discuter.

Je suis sûr que vous êtes capable de mieux.

Non? "Ta gueule"?
 
@sg

Laissons de côté les cours d’école, le cégep et les insultes, voulez-vous. La discussion, avant votre intervention, avait été entamée dans le respect et la politesse.

Vous le dites vous-même : vous n’avez pas lu Walsh. Alors à quoi bon vos « réflexions plus générales » sur la misomusie et les dérives d’une certaine critique « révolutionnaire » si elles ne s’appliquent ni à Walsh, ni aux autres noms que je cite ? Je veux bien que nos discutions de ces dérives, mais votre premier message tendait à en faire l’essence de l’approche révolutionnaire de l’art.

Ma réponse précédente n’était pas basée sur l’affect mais sur un haussement d’épaules suivi d’un soupir : vous parlez de conformisme, mais votre première intervention donnait pile-poil dans le discours dominant sur les « pratiques pourries » de certains révolutionnaires de salon. Je suis désolé, mais ça ne me concerne pas.

« Je renie en profondeur cette mode qui consiste à tout regarder (ou analyser, ou intellectualiser) toutes choses en fonction d'un rapport dominé/dominant qui convient peut-être à l'idéal révolutionnaire mais n'a jamais produit quoi que ce soit de valable en art. »

D’une part, les idées que je défends ne se résument pas à la caricature de la première partie de votre affirmation et, d’autre part, c’est peu dire que l’aversion des artistes pour le système capitaliste (oui, un système avec des dominés et des dominants) a produit, sous différentes formes, les œuvres d’art les plus puissantes des deux derniers siècles.

Laissons aussi de côté Kundera, une figure mineure et aux idées discutables selon moi, et revenons au message qui m’a valu votre réponse.

Je faisais remarquer à Antoine qu’il reprenait les arguments de la droite en reprochant à la critique sociale de l’art d’être réductrice et d’appliquer systématiquement une grille d’analyse sur les films. Que de telles pratiques existent, je ne le nie pas et je le déplore, mais elles ne sont pas celles de Walsh et des marxistes authentiques.

C’est à un historien marxiste de l’art, Meyer Schapiro, que nous devons la meilleure défense de l’art abstrait rejeté par les nazis, staliniens et bourgeois de diverses allégeances. Ce sont aussi des marxistes, en Union soviétique pré-stalinienne, qui ont défendu avec le plus de ferveur les artistes contre les attaques qui venaient de toutes parts. Vous le savez certainement.

Alors ? Je suis un grand garçon, vous savez. Je suis marxiste et je défends ouvertement une approche marxiste de l’art, ni plus ni moins idéologique qu’une autre.

Je ne suis pas obsédé par le capitalisme : je vis dedans et ça me tue. Mais la vie est complexe, et le processus artistique aussi. À vous lire, j’ai l’impression de me faire faire la leçon à coups de marteaux et d’être accusé de défendre des positions que je dénonce.

Dans sa préface à Littérature et révolution de Trotsky, Maurice Nadeau écrivait ceci :

« Ce n’est pas en fonction de critères esthétiques qu’il [Trotsky] passe en revue les œuvres et les écrivains. L’intéresse au premier chef ce que ces œuvres « expriment », c’est-à-dire les valeurs qu’elles véhiculent. Du point de vue révolutionnaire, le partage est simple : d’une part les valeurs moribondes mises en circulation par les classes disparues, noblesse et bourgeoisie, qui ont fondé sur elles la légitimité de leur règne, d’autre part les valeurs à naître et dont on ne sait encore quel « humanisme » elles feront fleurir. Il dépiste les premières, avec une sûreté de chirurgien et d’anatomiste, jusque chez les écrivains qu’il admire et il en fait une critique sans pitié. Il entoure les autres de tous ses soins et les encourage à se manifester. »

Voilà, selon moi, une perspective que devrait avoir en tête le moindre critique d’art, peu importe sa méthode ou son angle d’analyse. À moins, bien sûr, d’avoir un intérêt manifeste pour le statu quo, ce qui n’est certainement pas, je l’espère, le cas des gens qui écrivent sur ce blogue. Surtout à une époque où le dernier avertissement de Nuit et brouillard d’Alain Resnais commence à ressembler à un signal rouge.

bien cordialement
 
@sg

Quelques autres petites choses ;-)

Vous parliez d’un article du Monde diplomatique sur la “misogynie” de Woody Allen ou citiez très justement Kundera à propos des théoriciens d’art “pour qui une œuvre d'art n'est qu'un prétexte pour l'exercice d'une méthode (psychanalytique, sémiologique, sociologique, etc.).” Kundera voit juste, je pense, mais ce n’est pas tant aux méthodes en soi qu’il faut s’attaquer (Kundera, après tout, doit aussi avoir la sienne) qu’aux idées fausses ou réductrices que certaines défendent. Sur plusieurs autres sujets, par contre, Kundera nous sort souvent le dictionnaire des clichés et du convenu.

Toutes les modes intellectuelles, particulièrement françaises, qui donnent le la en matière de critique d’art depuis plus d’un demi-siècle ne sont que les nouvelles formes des simplifications rétrogrades que dénonçait déjà un Voronsky dans ses essais des années 20, récemment rassemblés sous le titre Art as the Cognition of Life. Nous sommes là-dedans loin, mais alors très loin, de ce que vous dénoncer avec raison.

Un mot sur Pasolini maintenant, que je tiens pour le plus grand poète d’après-guerre, un romancier hors pair (Les Ragazzi) et un cinéaste majeur (Accattone!, Teorema). Plusieurs de ses écrits sont incontournables, mais je persiste à penser qu’en politique il avait à peu près tout faux. Sa position indéfendable durant les événements de mai-juin 68, qui fait tant bander un pygmée intellectuel comme Richard Martineau, en est la preuve la plus flagrante.

Allez, je retourne lire à l’envers.
 
Je n'ai insulté personne, vous vous êtes simplement révélé ; vous n'arrivez pas à répondre alors vous faites une liste de ce que j'ai dit sous le prétexte que je vous en accable, ce qui est en partie faux, puis mentionnez que vous connaissez par coeur l'oeuvre de Kundera ce qui est censé dire quoi? Dans quelle mesure sommes-nous quand quelqu'un dévie la question en cherchant à convaincre gratuitement de l'ampleur de ses connaissances sans même les citer à bon escient? J'imagine que vous ne répondrez pas à celle-là non plus. Je n'ai fait que soulever l'inconsistance de votre réponse, vous pouvez invoquer l'insulte en jouant au pacificateur mais avec moi ça ne mord pas car justement on est au coeur du sujet. J'imagine que vous voudriez également que j'oublie maintenant que c'est une "figure mineure" (mais dont vous connaissez l'oeuvre par coeur) qui il y a un instant servait de caution au manifeste Breton/Trotsky... Belle feinte mais ça ne mord pas non plus.

Par ailleurs lorsqu'on questionne simplement cette volonté de coller une idéologie sur l'art, vous voilà (au lieu de répondre directement à la question) en train de citer cette bouillie pour un "art révolutionnaire indépendant", bouillie parmi les bouillies qui prépare le terrain des comités repus des jeunesses communistes grâce auxquels tout artiste lucide était condamné sans appel à suivre la marche ou à ramper. Bien sûr dit comme ça ça fait joli, surtout quand on fait passer le morceau avec des idées séduisantes comme cette "non restriction absolue". Relisez votre histoire ou celle des "figures mineures" que vous connaissez si bien, je crois que quelque chose vous échappe ceci dit en toute amitié. Ou alors vous n'êtes vraiment pas clair.

Désolé, vous dites des choses justes par endroits, mais vous êtes dans une confusion totale quand on vous demande d'aller plus loin. Vous ne maîtrisez pas les auteurs que vous citez et êtes encore moins capable d'en tirer des conclusions valables mis à part pour justifier cette part de misomusie que vous niez à moitié mais qui se retrouve bel et bien dans vos propos et à laquelle je référais (et qui dénoncerait les mêmes travers que Breton selon vous!? incroyable). Et quand une question pertinente arrive: "Que fait-on de votre grille avec un Brakhage?", voilà que celui-ci est "surestimé" parce que "De nos jours, la subversion se résume trop souvent à une recherche arbitraire d’originalité"??? Mais quel rapport avec Brakhage? Et où est la réponse à la question?

C'est bien de poser quelques réflexions, mais il faudrait approfondir autrement. J'attends par ailleurs de me voir révélé la liste des oeuvres les "plus puissantes des deux derniers siècles" aperçues avec les lunettes rougissantes de l'"aversion au capitalisme". Ne comptez pas sur moi pour vous aider. Je connais vos discours d'universitaire sur le bout de mes doigts, c'est un discours bourgeois (tiens, tiens) qui se cherche un moyen de paraître plus intelligent que les oeuvres elles-mêmes. Merci d'essayer mais je connais la chanson, pour citer votre ami Resnais. C'est dommage, au départ vous étiez bien parti.
 
Et voilà Pasolini maintenant qui ne rentre plus dans la "grille"! Ben oui, c'est sûr, il était l'une des seules voix dissonantes face à l'armée des jeunes bourgeois fils à papa. La "non restriction absolue" ne s'applique plus? Tiens donc. Le jackpot.
 
@sg

Au moins le chat sort du sac lorsque vous qualifiez le manifeste de Breton/Trotsky de bouillie parmi les bouillies. Voilà, au fond, ce qui expliquait le ton hostile de votre premier message.

Je persiste à conseiller aux autres lecteurs de ce blogue d’aller lire les auteurs que je cite. Sans doute réaliseront-ils qu’ils ne tiennent pas tout à fait un discours universitaire...
 
Je ne sais pas, mais votre citation de Trosky ne donne pas envie d'aller plus loin. L'esthétique, le beau et l'émotion en second plan, moins importants que les valeurs (lesquelles d'ailleurs)? L'art devient un pur outil idéologique donc. Non. Pour un humanisme à naître, je le trouve déshumanisé en partant. Je n'adhère pas.

SG écrit «J'attends par ailleurs de me voir révélé la liste des oeuvres les "plus puissantes des deux derniers siècles" aperçues avec les lunettes rougissantes de l'"aversion au capitalisme"».

Je prendrai la question par un autre bout. Le cinéma n'est-il pas un art bourgeois depuis sa naissance, à l'ère de la Révolution industrielle, des guerres de brevets et de la consommation de masse? Le cinéma n'est-il pas toujours fait par des bourgeois pour des bourgeois? Et que dire des critiques? N'écrivent-ils pas pour les intellectuels et les bourgeois? Et quelle est la place du critique socialiste dans tout ça? Vous me direz un non-bourgeois non-intellectuel (?) qui s'adresse à la masse (mais laquelle sinon bourgeoise) en critiquant des oeuvres bourgeoises? Bref, la place du critique socialiste (et son but ultime) dans ce monde bourgeois jusqu'à la moelle m'apparaît floue et paradoxale.
 
Crisse que le litre de gaz est rendu cher!
 
Mets pas de l'huile sur le feu! :D
 
D'accord, d'accord, quelques précisions tardives ici: je n'ai jamais voulu dire, bien qu'en me relisant je vois bien que je l'ai dit, que le cinéma social était obligatoirement dénué d'une esthétique soignée. Je suis d'accord lorsque vous dites qu'aucune oeuvre ne peut être évaluée hors de son contexte social, j'ai seulement voulu indiquer qu'aujourd'hui, les cinéastes font leur film non pas à partir d'une réalité qu'ils veulent commenter, mais plutôt à partir d'oeuvres qui les précède, d'où, comme vous le dites, un art mort. Et c'est justement là que le discours de Walsh s'avère pertinent, dans cette dénonciation du vide idéologique qui fait l'apanage du cinéma contemporain. Mais, j'oserais ajouter que ceci n'est pas tout à fait vrai, puisqu'une idéologie peut être autre que sociale, elle peut tout autant être artistique, philosophique, etc. En fait, je me demande, comment analyser, d'un point de vue marxiste, une oeuvre qui se veut, avant tout, métaphysique, dont la réflexion est spirituelle, disons, plutôt que sociale. En lisant la critique de Thin Red Line de Walsh, par exemple, on voit bien que, même s'il a apprécié le film, il rejette justement tout ce côté philosophique pour ne se consacrer qu'à la vision historique, qu'au rapport entre les soldats, amis ou ennemis, alors que les deux aspects se rejoignent dans l'oeuvre de Malick.

Vous affirmez quelque chose que j'ai par contre bien de la misère à avaler. Depuis quand est-ce que les images que nous voyons sur nos écrans doivent "correspondre à la réalité objective"? Je vois bien, ou du moins j'espère, que vous ne parlez pas ici d'un mimétisme parfait entre le représenté et sa représentation, mais cette phrase laisse supposer, justement, ce dont je parlais dans mon premier commentaire, c'est-à-dire un détachement face à la forme pour ne se consacrer qu'à l'étude du contenu (et, pardonnez-moi, mais un travelling peut être, sans aucun doute, "une affaire de morale": Thin Red Line, pour y revenir, en serait un bon exemple). Les quelques mots que vous glissez sur les films que vous mentionnez vont aussi dans ce sens: "un style boursouflé pour dissimuler l'inanité de l'ensemble", c'est, quand même, présumer des intentions de l'auteur. Mr Anderson, plus probablement, a voulu complémenter l'ambition des thèmes qu'il croyait aborder par un style qui l'était tout autant. La formule que vous employez démontre bien, à l'instar des résumés de Walsh, que vous vous préoccupez, avant tout, du scénario, alors qu'il est possible, et même nécessaire au cinéma, de dépasser cette simple narration. D'ailleurs, quant à moi, ses lectures ne sont pas toujours justes. There will be blood, bien que confus, offre un portrait plus nuancé de ses personnages principaux que ce que Walsh veut bien admettre, tout comme In the mood for love offre, par sa mise en scène, une réflexion, que vous niez tout deux.
 
@Antoine

Je trouve tout de même extraordinaire que vous écriviez que chez Trotsky, «l'art devient un pur outil idéologique», alors qu’il a été, avec Breton, l’un des plus farouches opposants de cette tendance. Avant d’avancer des contre-sens, peut-être devriez-vous le lire.

Pour ce qui est de la place paradoxale et du rôle du critique socialiste dans la société bourgeoise, je crois avoir déjà cité Maurice Nadeau à ce sujet.

Robin Wood, dans tous ses livres et ses articles depuis 1980, est sans doute un exemple à suivre. Voilà un homme conservateur qui, dans les années 70, au moment où tous les radicaux rentraient dans le rang et que l’anti-communisme devenait la religion officielle, constatait l’insuffisance de ses précédents écrits (il était déjà l’auteur de livres majeurs sur Hawks, Hitchcock, Antonioni, Bergman et Penn) et se tournait vers le marxisme classique pour nourrir son travail de critique. Dans nos contrées dévastées, c’est ce qu’on appelle une perle rare.
 
@Sylvain

Vous avez raison pour la critique de The Thin Red Line, mais je répète que les critiques de Walsh ne prétendent pas être exhaustives. Il a raison de souligner que la principale qualité du film de Malick, au-delà de toutes ses qualités esthétiques, reste sa compassion unique dans le cinéma américain.

“J’espère que vous ne parlez pas d'un mimétisme parfait entre le représenté et sa représentation”

Non, je parle de correspondance entre l’image et la réalité objective. Un tableau de Malevitch correspond autant à la réalité objective qu’une peinture réaliste, tout comme 8 1/2 de Fellini ou un film de Jean Epstein. Alors qu’un film comme In the Mood for Love, selon moi, est faux à tous points de vue.

Je ne reviendrai pas ce soir sur le travelling et, pour parler comme Foglia, ces Français qui mettent de la morale à toutes les sauces. Pour ce qui est de Anderson, je crois que s’il avait eu les moyens intellectuels et artistiques de son sujet, il aurait eu l’intuition de ne pas choisir un style aussi hystérique.
 
hey! Nos glorieux ont gagnés en passant!
 
38 commentaires pour un "post" vieux de trois semaines! Tu dois jubiler Helen!! :)
 
Mais on s'amuse dont ben ici !

Je ne suis pas sûr de tout suivre correctement, probablement à cause du capitalisme qui m'aveugle de jour en jour.

Pourquoi, lorsque l'on s'affirme marxiste, apprendre les textes de Kundera dans leur intégralité alors qu'il s'agit d'une figure mineure ?

Godard blâmait Sartre de passer une partie de sa journée dans les usines et une autre à écrire sur Flaubert. N'y a-t-il pas ici une certaine corrélation ?

Lorsque l'on affirme qu'un film ayant plusieurs défendeurs s'avère objectivement mauvais, ne sommes-nous pas en train d'engendrer une conversation qui se terminera uniquement en dialogue de sourds ?

Robbe-Grillet refusait l'engagement politique, cela signifie-t-il que La jalousie et Un roman sentimental sont mal écrits ?

Je m'arrête ici puisque je ne crois pas qu'il y a place à une véritable discussion. J'espère me tromper.
 
J'ai mis juste 9 litres pis ça m'a coûté 12 piasses!
Plus cher queul lait 'sti pis cé pas fini!
Va falloir apprendre à voler comme les mouettes.
 
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