vendredi, avril 25, 2008
Au cœur des ténèbres
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En 1965, Gillo Pontecorvo s’y était essayé avec bravoure, dans La Bataille d’Alger, un film aujourd’hui devenu référence, mais qui essuya les foudres de la censure jusqu’en 1971. Autre temps, autre mœurs, la censure ne frappera pas L’ennemi intime. Mais force est de constater que celui-ci n’a ni la finesse ni la puissance d’évocation de son ancêtre.
Scénarisé par Patrick Rotman, historien et documentariste spécialiste du sujet (et déjà co-réalisateur avec Bertrand Tavernier du magnifique La guerre sans nom), et ainsi paré d’une indiscutable caution morale, le film se plante dans les montagnes de Kabylie en 1959 pour nous faire suivre les déboires d’une unité de l’armée française. À sa tête, un jeune lieutenant idéaliste débarquant de métropole (Benoît Magimel, unidimensionnel) et un sergent revenu de tout détruisant dans l’alcool le peu de confiance dans la nature humaine qui lui reste (Albert Dupontel, beaucoup plus convaincant).
Sur le papier, l’idée d’un film désirant si ardemment se réapproprier son histoire était enthousiasmante. Dans les faits, elle se transforme plutôt en un exemple de fascination maniéré et obsessif pour le grand cinéma de guerre américain.
Car si les ombres de Platoon, Full Metal Jacket ou Apocalypse Now planent sur L’ennemi intime, celui-ci ne semble en avoir retenu que la débauche stylistique et « l’odeur du napalm au petit matin ». Couleurs desaturées, images chocs et crues, montage ultra nerveux: bonjour le spectacle morbide, adieu les discours terrifiants sur l’inhumanité profonde de la guerre ou sur ses conséquences désastreuses sur la psyché humaine. Transformant alors avec une ambition démesurée sa guerre en expérience virile pour mâles en manque d’émotions fortes, le film se complait dans une démonstration poussive dont l’on retiendra cette morale en forme d’euphémisme : la guerre, c’est moche. Voilà ce qui s’appelle passer à côté de son sujet.
jeudi, avril 24, 2008
LES CAHIERS À LA CASSE?
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Le Monde, propriétaire des Éditions de l'Étoile qui éditent les Cahiers, a décidé de se départir de la vénérable maison et cherchent actuellement un nouvel acheteur pour assurer un avenir à la bande à Frodon. Aïe.
Plus intéressantes sont par contre les réactions outre-Atlantique.
D'un côté, les amis des Cahiers (Chantal Akerman, Olivier Assayas, Alain Bergala, Pascal Bonitzer, Freddy Buache, Emmanuel Burdeau, Jean-Claude Carrière, Jean-Louis Comolli, Jean-Michel Frodon, Anne-Marie Garat, Benoît Jacquot, Thierry Jousse, Pascal Kané, André S. Labarthe, Bernard Latarjet, Serge Le Péron, Jean Narboni, Dominique Paini, Claudine Paquot, Nicolas Philibert, Jacques Rivette, Jean-Henri Roger, Eric Rohmer, Serge Toubiana, que du beau monde quoi) signent aujourd'hui dans Libé un appel pour sauvegarder les Cahiers:
"Les amis s’opposeront également à tout dévoiement de l’identité du titre Cahiers du cinéma. Non seulement la revue est indispensable pour la pensée critique, de plus en plus menacée par ailleurs, mais elle doit rester fidèle à elle-même et à ses convictions, dans cet avenir qui est en passe de se décider pour les Editions de l’Etoile"
De l'autre, une pensée plus critique, venant notamment du Nouvel Obs et de Didier Jacob sur le blog duquel on peut lire ces mots, cruels mais peut-être pas si loin de la vérité:
"Les Cahiers, il faut le reconnaître, c’est bien que ça perdure, mais plus personne ne le lit. Et même ne l’ouvre. Ne le feuillette. Voilà un journal qui pourrait sortir un numéro entièrement blanc, personne ne s’en apercevrait. C’est pourtant une institution. Un peu comme Paris-Turf pour les amateurs. Ca a bercé des générations de cinéphiles. Ca a produit des cinéastes. Mais il faut reconnaître que la réflexion cinéphilique a perdu un peu de poids, ces dernières années. (...)
Aux Cahiers, en tout cas, on se triture le neuronal. Prenez l’édito du journal : « Aux confins de l’actualité, avec sa part d’impondérable, et d’une prise de recul longuement mûrie, ce numéro esquisse une description de l’état du cinéma d’aujourd’hui. » Vous voyez. Ces gars-là n’ont pas vieilli. Ils écrivent exactement comme ils écrivaient dans les années 50."
L'avenir des revues de cinéma n'est pas rose. Faut-il persévérer et voir dans les irréductibles fidèles le seul salut? Ou faut-il au contraire trouver de nouvelles façons de penser le cinéma, sortir des sentiers battus, être plus "démocratiques"? Je ne sais pas. Si je savais, je rachèterai moi-même les Cahiers.
mardi, avril 22, 2008
Et il lance...et mange
mercredi, avril 02, 2008
Chacun cherche son critique
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On commence par le moche. J'avais déjà ici exprimé mon amour inconditionnel pour M. Nathan Lee, critique intelligent, virulent, vivant du Village Voice.
Et bien, la semaine dernière, on apprenait que le brave homme avait été tout simplement viré par Village Voice Media, qui représente une chaîne d'hebdo "alternatifs" à travers les États-Unis. Viré. Comme ça. Sans gants blancs ni trompettes. M. Lee, si jamais vous passez par là, sachez-le: je lisais chaque mercredi mon Village Voice pour vous lire. Je me nourrissais à vos articles. Je suis maintenant comme une âme en peine qui cherche son critique....
Le "bon" côté de la chose est néanmoins cet article dans le New York Times qui analyse avec pertinence la récente vague de licenciements de critiques (l'ami Lee n'est pas le seul) et qui, surtout, s'amuse à rappeler pourquoi la critique, la vraie, a son importance. Du petit lait.
"Losing critics for serious film is like taking away the padding on the crutches of a very sick man with two broken legs and one working eye,” he wrote in an e-mail message. “It’s not going to keep it from limping along, but yeah, it hurts like hell.”
Les choses seraient-elles doucement en train de changer?
mardi, avril 01, 2008
Jules Dassin
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Il avait 96 ans, une flopée de très beaux films, notamment noirs, dans sa besace. Il est mort hier.
Après un joli début de carrière aux États-Unis (cet ancien assistant d'Hitchcock y réalisa notamment Brute force ou The Naked City), Jules Dassin avait été forcé à l'exil en 1959 sous la pression des enquêtes anti-communistes de McCarthy et de ses sbires. Peu importe, il persiste à réaliser de petits bijoux comme Night and the City, ou Du rififi chez les hommes ou Jamais le dimanche.