jeudi, novembre 22, 2007
NUE PROPRIÉTÉ
Joachim Lafosse. Le nom nous est inconnu, ou presque. Il est pourtant un auteur. De la trempe de ceux qu’on adore aimer et découvrir. De la trempe de ceux qui, de films discrets qu’on partage comme un secret en petits essais confidentiels, font battre nos cœurs en rendant au cinéma les honneurs qui lui sont du.
Alors pourquoi ne le connaissons nous pas? Belge, deux films à son actif, vus surtout en festival, distribution frileuse dans nos terres: aussi simple que ça. Heureusement, voilà Nue propriété qui a réussi à se frayer un chemin jusqu’à nous. Dédicacé « à nos limites », ce qui d’emblée étonne et intrigue. Avec rien de moins qu’Isabelle Huppert, Jérémie Rénier et son frère Yannick au générique. Pas un casting de second ordre, ça. Du bon, du solide, de l’intense, au service d’un démémbrement familial des plus malsains.
Car de quoi s’agit-il dans Nue propriété? D’une mère d’abord. Elle travaille et s’occupe de ses deux grands fils, est divorcée et a un amant. D’une maison, ensuite, qui abrite les cris et les coups de gueule de tout ce beau monde. Car maman veut la vendre. Les fistons sont contre. Et crient beaucoup, traitant leur mère sans respect ni tendresse. Ils ne sont pas méchants, non. Plus simplement en soif de pouvoir et de contrôle. Quoi que, on interprète ici. Le film, lui, ne s’apesantira jamais sur le pourquoi du comment, pas plus qu’il ne cherchera à proposer d’explication psycho-sociologique ou à s’aventurer sur les chemins bêbêtes de la rédemption béate. Ce qui est là, par contre, aussi paradoxalement tangible que possible, c’est la perversité absolue de ces rapports, la hargne agressive dont ils sont empreints.
Mais bien sûr, les choses déraperont, jusqu’à cette inévitable catastrophe qui finira de désagréger la cellule.
Plans-séquences maîtrisés, plans fixes tendus, regard neutre, cadre impassible et pesant comme autant de petites fenêtres donnant directement sur la dissolution d’une vie : Lafosse utilise l’arsenal du parfait petit manipulateur pour nous forcer à rentrer au cœur de ce cocon désagréable et pour travailler cette matière brute, grossière et jamais entièrement compréhensible que sont les relations familiales. Il y a trop de vielles rancoeurs là-dedans, trop d’années d’amertume pour que des dialogues de cinéma puissent le traduire de toutes façons. Pialat travaillait déjà comme ça, en plongeant les mains avec ardeur dans le magma bouillant du réel. L’expérience est parfois douloureuse, certes, tant le cinéaste semble manquer d’empathie à l’égard de ses personnages. Mais comment les aimer, ces lâches, ces irresponsables, ces batailleurs de ruelle, ces soumis? Comment leur accorder miséricorde quand eux-mêmes ne savent plus se voir autrement que comme les membres d’une meute? Comment les embrasser quand Huppert et les Rénier semblent eux-mêmes avoir dépassé de mille lieues le point de la douceur?
Malgré un plan final déroutant dans lequel le cinéaste abandonne littéralement ses personnages à leur triste sort, Nue Propriété est néanmoins un film à découvrir. L’air qu’on y respire y peut-être vicié, mais le regard qu’on y découvre est définitivement celui d’un cinéaste dont on a maintenant envie de retenir le nom.
Au cinéma du Parc
Alors pourquoi ne le connaissons nous pas? Belge, deux films à son actif, vus surtout en festival, distribution frileuse dans nos terres: aussi simple que ça. Heureusement, voilà Nue propriété qui a réussi à se frayer un chemin jusqu’à nous. Dédicacé « à nos limites », ce qui d’emblée étonne et intrigue. Avec rien de moins qu’Isabelle Huppert, Jérémie Rénier et son frère Yannick au générique. Pas un casting de second ordre, ça. Du bon, du solide, de l’intense, au service d’un démémbrement familial des plus malsains.
Car de quoi s’agit-il dans Nue propriété? D’une mère d’abord. Elle travaille et s’occupe de ses deux grands fils, est divorcée et a un amant. D’une maison, ensuite, qui abrite les cris et les coups de gueule de tout ce beau monde. Car maman veut la vendre. Les fistons sont contre. Et crient beaucoup, traitant leur mère sans respect ni tendresse. Ils ne sont pas méchants, non. Plus simplement en soif de pouvoir et de contrôle. Quoi que, on interprète ici. Le film, lui, ne s’apesantira jamais sur le pourquoi du comment, pas plus qu’il ne cherchera à proposer d’explication psycho-sociologique ou à s’aventurer sur les chemins bêbêtes de la rédemption béate. Ce qui est là, par contre, aussi paradoxalement tangible que possible, c’est la perversité absolue de ces rapports, la hargne agressive dont ils sont empreints.
Mais bien sûr, les choses déraperont, jusqu’à cette inévitable catastrophe qui finira de désagréger la cellule.
Plans-séquences maîtrisés, plans fixes tendus, regard neutre, cadre impassible et pesant comme autant de petites fenêtres donnant directement sur la dissolution d’une vie : Lafosse utilise l’arsenal du parfait petit manipulateur pour nous forcer à rentrer au cœur de ce cocon désagréable et pour travailler cette matière brute, grossière et jamais entièrement compréhensible que sont les relations familiales. Il y a trop de vielles rancoeurs là-dedans, trop d’années d’amertume pour que des dialogues de cinéma puissent le traduire de toutes façons. Pialat travaillait déjà comme ça, en plongeant les mains avec ardeur dans le magma bouillant du réel. L’expérience est parfois douloureuse, certes, tant le cinéaste semble manquer d’empathie à l’égard de ses personnages. Mais comment les aimer, ces lâches, ces irresponsables, ces batailleurs de ruelle, ces soumis? Comment leur accorder miséricorde quand eux-mêmes ne savent plus se voir autrement que comme les membres d’une meute? Comment les embrasser quand Huppert et les Rénier semblent eux-mêmes avoir dépassé de mille lieues le point de la douceur?
Malgré un plan final déroutant dans lequel le cinéaste abandonne littéralement ses personnages à leur triste sort, Nue Propriété est néanmoins un film à découvrir. L’air qu’on y respire y peut-être vicié, mais le regard qu’on y découvre est définitivement celui d’un cinéaste dont on a maintenant envie de retenir le nom.
Au cinéma du Parc